Dans l'histoire du franquisme, il s'agit là, certes, d'une péripétie, mais d'une péripétie qui marque l'apogée de la prodigieuse réussite sociale du petit officier galicien qui, à 80 ans, détient le record de longévité de pouvoir avec trente-six années de règne sans partage. Dans la vie politique de l'Espagne, cet événement ne signifie rien.

Agitation sociale

Pendant les fastes du mariage, des cris hostiles s'élèvent à la cité universitaire et dans la Gran Via de Madrid, ainsi qu'à Barcelone : « A bas Franco ! », « Mariage, non », « Espagne socialiste ».

Deux jours plus tard, à El Ferrol del Caudillo, en Galice, ville natale du chef de l'État, un affrontement entre policiers et ouvriers d'un chantier naval fait un mort et plusieurs blessés ; l'un d'eux succombe peu après. Cet événement sanglant provoque dans tout le pays, mais plus spécialement en Galice et dans le Pays basque, des manifestations.

Déjà, le 13 septembre 1971, à Madrid, un ouvrier du bâtiment qui distribuait des tracts était tué de plusieurs balles dans le dos. Et, le 18 octobre, la police avait ouvert le feu à Barcelone pour expulser des locaux qu'ils occupaient les 4 000 grévistes des usines automobiles SEAT. Là encore il y avait eu un mort et plusieurs blessés. Enfin, le 18 mai, la police intervenait sur le campus de la cité universitaire de Madrid pour disperser un rassemblement interdit, blessant grièvement un étudiant.

Conclusions tragiques de conflits du travail ou de manifestations de mécontentement, mais événements mettant en relief le pourrissement de la situation sociale et la dureté nouvelle des oppositions.

Les grèves ne se comptent plus. En septembre, ce sont 20 000 ouvriers du bâtiment qui débrayent à Madrid pour réclamer une augmentation de salaire et la semaine de travail de quarante-cinq heures. En octobre, les mineurs des charbonnages de Hunosa, dans les Asturies, cessent à leur tour leur travail. De 5 000 le 3 octobre, la grève va s'étendre aux 11 000 employés et se prolonger pendant plus d'un mois pour reprendre à la fin du mois de novembre. Le conflit le plus grave éclate à la SEAT de Barcelone. Ouvert en juin 1971 pour un motif apparemment secondaire (l'introduction d'un service de nuit), il s'est développé tout au long de l'été et de l'automne pour dégénérer brutalement le 18 octobre avec l'occupation de l'usine par les travailleurs, l'appel de la police par la direction et la fusillade.

À côté de ces grands mouvements revendicatifs qui secouent la vie du pays, une foule d'autres témoignent, sinon par leur importance du moins par leur nombre, de la profondeur de la crise.

Les étudiants

Si l'année scolaire 1970-71 s'achève sur la condamnation de six élèves de l'université de Barcelone accusés d'appartenir au PC de Catalogne, la rentrée 1971-72 débute par des manifestations violentes. C'est à Madrid que se concentre l'agitation ; dès janvier les autorités ordonnent la fermeture de la faculté de médecine et annulent l'inscription de ses 4 000 étudiants. Des bagarres opposent les carabins aux policiers le 17 janvier. L'agitation gagne 10 universités sur 18, et touche 150 000 étudiants. Les lycées eux-mêmes ne sont pas épargnés. Le gouvernement recommande des mesures urgentes pour résoudre la crise malgré la réouverture des facultés et les apaisements du recteur. En février, l'université de Valence est fermée sine die.

De nouvelles violences dans la capitale ont lieu en mars et en mai. Les quatre doyens de Madrid réclament au gouvernement le rétablissement du Fuero (charte des franchises universitaires) « pour que la violence cesse ».

Économie

Cette dégradation du climat social coïncide avec ce que l'on appelle la fin du miracle espagnol. Le prodigieux essor économique qui caractérisait depuis dix ans la politique espagnole marque le pas. En 1971, le taux de croissance économique, qui s'établissait autour de 7,5 % au cours de cette période, descend à 5,5 % ; pour la première fois le déficit budgétaire atteint 2 milliards de francs et on enregistre une augmentation du coût de la vie de 8,1 %.