Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
A

Agriculture (suite)

L'agriculture est l'une des premières activités économiques auxquelles se soient livrés les hommes, quand ils ont commencé à cultiver la terre et à élever du bétail. C'est une activité économique essentielle parce que nourricière, pratiquée partout sur la planète, mais dont le poids dans le produit national brut (PNB) de chaque État tend à décroître.

En France, le rythme de disparition des exploitations agricoles est encore, en cette fin de siècle, de 3 à 4 % par an (il restait 680 000 exploitations en 1997, contre plus d'un million dix ans avant), le chiffre des personnes qui s'installent (avec des incitations financières substantielles) tournant seulement autour de 8 000 à 9 000 par an, voire moins en 1999. Un chiffre faible qui inquiète les gouvernements, d'autant que se multiplient les installations « spontanées » sans passer par les procédures officielles. Quand on est sans emploi en ville ou qu'on veut rompre avec le rythme de la vie et du travail dans les grandes métropoles on peut, avec sa famille, avoir envie d'aller tenter sa chance comme éleveur ou comme maraîcher dans une commune périphérique d'une grande agglomération ou sur un plateau des contreforts du Massif central. En Grande-Bretagne, la population agricole dépasse à peine 1 % de la population active totale. Elle représente encore 3,5 % en France, contre 12,9 au début des années 1970.

Cette réduction de la part de l'activité agricole s'est traduite par une stabilisation puis une baisse, à partir de 1983, du prix des terres. Un hectare de champ labourable valait 21 000 francs en 1997, contre 22 300 en 1980 (en francs constants). Seule la valeur des terrains à vigne d'appellation contrôlée (AOC) a sensiblement augmenté depuis deux décennies.

L'agriculture ne se cantonne plus à la culture et à l'élevage

Pourtant, si l'acte lui-même de produire du blé, d'élever des animaux ou de récolter des fruits perd de son importance par rapport à d'autres activités de l'industrie ou des services, le secteur agricole pris globalement déborde sur des   domaines   de   plus   en   plus   nombreux.   Les industries agroalimentaires (IAA), par exemple, sont dynamiques et créatrices d'emplois, entre autres dans l'Ouest ou le Nord-Picardie : 591 000 emplois salariés et non salariés en 1997 ; 594 000 en 1998. Ce sont des géants (Danone, Nestlé, des coopératives bretonnes ou auvergnates, les multinationales américaines de la banane…) qui dominent les approvisionnements, les transformations et le négoce. En France, cette industrie (numéro 1 européen) a dégagé en 1998 un chiffre d'affaires de 803 milliards de francs.

L'affaire de la « vache folle »

Apparue en 1996, la crise de la « vache folle » n'était toujours pas résorbée en Europe à la fin de 1999. L'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) est une maladie mortelle, liée à la consommation de farines animales contaminées, et transmissible à l'homme. Décelée d'abord en Grande-Bretagne, elle a suscité d'importantes mesures sanitaires et un embargo total sur la viande de bœuf britannique et les produits dérivés. L'embargo a été levé par les autorités européennes à l'automne 1999, mais la France a refusé de les suivre.

En France, 19 cas d'ESB ont été mis en évidence sur les neuf premiers mois de 1999 (soit 60 cas depuis 1996). Le dernier cas concernait une vache laitière du Maine-et-Loire née en 1994. Conformément à la réglementation, l'ensemble du troupeau (164 bêtes) a été abattu, puis incinéré, ainsi que, par précaution, le troupeau de 91 têtes où l'animal était né. En dépit de l'interdiction, édictée en 1990 et renforcée en 1996, de nourrir les bovins avec des produits à risque, des cas d'ESB peuvent survenir jusqu'à fin 2001 puisque l'incubation est de cinq ans.

Les grands groupes de distribution, pour leur part, imposent le plus souvent leurs prix et leurs conditions aux producteurs agricoles –pas toujours bien organisés, donc commercialement fragiles –, notamment dans les secteurs du lait, de la viande, des fruits et légumes. Une grave crise a mobilisé de nombreux syndicats agricoles pendant l'été 1999, les producteurs reprochant aux grandes enseignes de la distribution de leur acheter les concombres, les tomates, les melons ou les prunes à des prix très inférieurs à leurs coûts de revient. La crise et les manifestations ont obligé les pouvoirs publics à instaurer pour trois mois, au stade du détail, un système de double affichage des prix

(celui de la production et celui de la vente finale) afin que le consommateur sache sur quels maillons de la filière se concentraient le plus les marges et la valeur ajoutée.

Les préoccupations de santé publique – on l'a vu avec la crise de la vache folle en 1996, les fromages infectés par la listéria, la salmonelle dans d'autres aliments, les farines animales contaminées par la dioxine, voire les boues des stations d'épuration – mettent aussi l'opinion en émoi, réveillant les grandes peurs alimentaires. Là aussi, les agriculteurs sont concernés alors que, souvent, les processus techniques ou administratifs leur échappent.

Enfin, l'agriculture est l'enjeu d'immenses batailles commerciales internationales entre les pays (dont la France et l'Allemagne) qui subventionnent leurs producteurs et ceux (par exemple l'Argentine et l'Australie) qui laissent le marché décider. Batailles commerciales mais aussi financières, vu l'importance des sommes en jeu et leur répartition entre différentes catégories d'exploitations, comme celles qui ont abouti fin mars 1999 à l'accord de Berlin sur la réforme de la politique agricole commune (PAC). D'une certaine façon, donc, l'agriculture des temps modernes échappe un peu aux agriculteurs eux-mêmes, quand on évoque la santé, la science et les manipulations génétiques des plantes, ou l'environnement. La France garde pourtant une place de leader en Europe et dans le monde : pour les produits de qualité, classés sous les rubriques d'appellation d'origine contrôlée (AOC), des labels ou des produits certifiés qui intéressent surtout les vins et alcools, les fromages et le beurre ainsi que plusieurs volailles, elle est de loin numéro 1 mondial. Globalement, depuis une vingtaine d'années, les départements situés à l'ouest d'une ligne Caen-Bordeaux ont renforcé leur suprématie, tant en termes d'emplois et de production que de surfaces consacrées à l'agriculture et à l'élevage. Le Nord, la Picardie et la Champagne sont aussi très bien placées dans ce classement, mais à l'est d'une diagonale Charleville-Toulouse, le poids relatif des activités agricoles, mis à part des pôles de résistance ici ou là (lait et viande d'Auvergne ou du Charolais, fruits de la vallée du Rhône), a plutôt décliné.