Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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Fiscalité (suite)

L'article 13 de la Déclaration de 1789 donne une première ligne directrice : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses de l'administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés. » Condorcet défendra bien l'idée d'un prélèvement progressif qui « aug- mente plus qu'en proportion de la valeur imposée », mais il faudra attendre 1914 pour que les mentalités françaises soient mûres pour un impôt progressif (pesant d'autant plus sur les revenus que ceux-ci sont élevés), et que naisse l'impôt sur le revenu. Aujourd'hui, on considère en France que la progressivité de l'impôt a une valeur constitutionnelle. Dans une décision concernant l'adoption de la CSG en 1990, le Conseil constitutionnel a en effet considéré que ce principe se déduisait de l'article 13 de la Déclaration de 1789.

Dans un premier temps, la Révolution sera une période d'anarchie fiscale. Par la suite, le Directoire va accomplir une œuvre législative solide et durable en matière fiscale. Au cœur du système, les impôts directs traditionnels, les fameuses « Quatre Vieilles » : la contribution mobilière, la contribution foncière, la patente et la taxe sur les portes et fenêtres. Les impôts locaux, eux, sont indiciaires, c'est-à-dire qu'ils représentent une fraction des impôts d'État. Par ailleurs, l'administration fiscale est renforcée. Une régie des droits d'enregistrement voit le jour. Tout comme une régie des douanes nationales, puis une direction générale des contributions. Des rôles et un cadastre sont confectionnés. Le Conseil d'État et la Cour des comptes stabilisent le système. Une organisation qui subsistera tout au long du xixe siècle. Seuls changements durant cette période : le recours croissant aux impôts indirects pour faire face aux besoins de l'État, et la création d'un impôt sur le revenu des valeurs mobilières en 1872.

Du système fiscal au système de protection sociale : de 25 %à plus de 45 % du PIB

L'étape suivante du système fiscal français date de la création de l'impôt sur le revenu progressif et unifié. Léon Gambetta en 1876, Jean Jaurès en 1894 ou encore Paul Doumer en 1896 montent au créneau pour l'instituer. Sans succès. C'est à une proposition de Joseph Caillaux, en 1907, que l'on doit l'adoption d'un impôt sur le revenu. L'impôt sur le revenu version Caillaux combine un impôt progressif sur l'ensemble des revenus et un impôt cédulaire, proportionnel et propre à chaque type de revenu (fonciers, mobiliers, des professions libérales, salaires et traitements, retraites et rentes viagères). L'impôt général sera adopté en 1914 et l'impôt cédulaire en 1917. L'hostilité persistante du Sénat a limité la portée de la réforme, mais le principe d'un impôt progressif est acquis. Il ne sera plus remis en cause.

La loi du 31 décembre 1945 substitue le mécanisme du quotient familial (division du revenu imposable d'un foyer fiscal en un certain nombre de parts correspondant au nombre de personnes constituant ce foyer) à l'abattement forfaitaire pour charge de famille. L'impôt sur le revenu est unifié en 1959 : l'imposition cédulaire disparaît pour ne plus laisser place qu'à une imposition unitaire, sur le revenu global. En 1976, il inclut la taxation des plus-values. Par ailleurs, l'impôt sur les sociétés est créé en 1948 et l'impôt sur les grandes fortunes, rebaptisé depuis impôt de solidarité sur la fortune (ISF), en 1982.

Avec l'instauration de l'impôt sur le revenu, les « Quatre Vieilles » sont abolies en tant qu'impôt d'État. La contribution mobilière et celle des patentes cessent d'être établies pour le compte de l'État en 1917, la contribution foncière en 1948. Mais ces impôts, à l'exception de la contribution des portes et fenêtres supprimée en 1926, subsistent en tant qu'impôts locaux. L'ordonnance de janvier 1959 modifie leur base d'imposition et les rebaptise : les contributions foncières deviennent la taxe foncière, la contribution mobilière devient la taxe d'habitation et la patente, la taxe professionnelle.

La gestion de l'impôt est plus coûteuse en France que dans les autres pays européens

Un rapport de l'Inspection générale des finances, publié en avril 1999, met en évidence le coût élevé de la gestion de l'impôt en France : 1,6 % des recettes collectées, contre 0,89 % en Espagne, ou encore 1,12 % en Grande-Bretagne. Seules l'Allemagne (1,71 %) et l'Italie (1,52 %) font aussi mal. Certains impôts, comme les impôts locaux, coûtent cher à l'État. De manière plus générale, la complexité et la multiplicité des impôts en France sont un facteur de surcoût. La France se caractérise également par la multiplicité des organisations qui s'occupent de l'impôt. Elle compte ainsi quatre administrations fiscales : la Direction générale des impôts, la comptabilité publique, les douanes et l'URSSAF. En dehors de l'Italie, tous les autres pays étudiés en comptent seulement une ou deux.

Enfin, souligne le rapport de l'Inspection générale des finances, partout, sauf en France et en Allemagne, ont eu lieu, depuis une dizaine d'années, des réorganisations de l'administration fiscale, qui se sont traduites par des baisses d'effectifs avec la montée en puissance de l'informatisation et des technologies de l'information. En France, les dépenses des administrations fiscales sont consacrées à 81 % au personnel, soit 13 points de plus que la moyenne de l'échantillon. À l'inverse, les dépenses informatiques sont deux fois moindres en France que dans les autres pays étudiés. Le gouvernement de Lionel Jospin a promis de mettre en œuvre une réforme du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie pour remédier à ces dysfonctionnements.

Pour ce qui est de la fiscalité indirecte, une taxe générale sur la consommation est mise en place de manière précipitée pour faire face aux dépenses occasionnées par la guerre. La TVA, qui sera instaurée et progressivement généralisée à partir de 1954, viendra la relayer.

Enfin, le système fiscal proprement dit est complété après la Seconde Guerre mondiale par un système de protection sociale financé, pour l'essentiel, par des cotisations assises sur les salaires. La nature de ce système s'infléchira progressivement : de l'idée de droits ouverts en contrepartie du travail, on passe à une protection ouverte à tous, dont le financement ne peut donc plus être basé uniquement sur les revenus du travail. C'est ainsi qu'est créée, à partir de 1991, la contribution sociale généralisée (CSG), assise sur tous les revenus, et pas seulement ceux du travail, pour mieux assurer le financement de la Sécurité sociale.