Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
A

Afrique (suite)

Les secteurs sociaux ont souvent été les parents pauvres de ces stratégies, avant d'être soumis aux restrictions de l'ajustement structurel* – dans un contexte de forte croissance démographique qui sape les efforts de développement. Malgré une lente amélioration de la plupart des indicateurs sociaux (le taux de mortalité infantile, par exemple, se réduit de 137 ‰ en 1970 à 105 en 1997), l'Afrique a pris un retard important en matière d'éducation et de santé – ce qui explique en partie la faiblesse de la croissance : le taux d'alphabétisation des adultes ne dépasse pas 59 %, contre 71 % en moyenne pour les pays en développement, et l'espérance de vie se situe à 49 ans en 1997, contre 64,4 pour les pays en développement en général. Depuis le début des années 1990, les institutions internationales mettent l'accent sur la lutte contre la pauvreté et le développement des secteurs sociaux, ce qui permettra sans doute une certaine amélioration de la situation. Cependant, malgré les efforts entrepris, l'épidémie de sida progresse et se traduit par des baisses sensibles de l'espérance de vie, notamment en Afrique centrale.

Ces économies fragmentées et peu dynamiques n'attirent que très peu de capitaux étrangers privés. Les investissements directs privés reçus en 1996 ne représentent que 0,6 % du total mondial, dont presque la moitié pour le seul Nigeria. En matière de financement extérieur, l'Afrique subsaharienne dépend presque totalement des organismes publics nationaux ou des institutions financières internationales, qui accordent dons et prêts à des conditions très favorables, mais en quantité réduite. Malgré des aspects positifs dans les situations d'urgence, l'aide internationale s'est en général montrée incapable de lutter contre la pauvreté et d'enclencher de véritables processus de développement. La dette extérieure pèse encore très lourd pour certains pays, notamment le Mozambique ou la Guinée-Bissau, mais les réductions de dette se multiplient, ce qui allège progressivement le fardeau.

Une « économie africaine » ?

L'Afrique apparaît comme un continent où se justifie une approche spécifique des comportements économiques. L'importance des situations d'autoconsommation, l'absence fréquente de propriété privée de la terre, le rôle décisif joué par la pression communautaire sur les choix individuels poussent à revoir, ou du moins à préciser, les approches traditionnelles de la rationalité des agents. Ces éléments peuvent être considérés comme des survivances de sociétés traditionnelles structurées par des relations de parenté qui freinent l'accumulation du capital. Mais l'Asie a montré que beaucoup de ces éléments peuvent, dans certaines circonstances, être aussi des vecteurs de croissance économique et de modernité (diasporas commerçantes, leadership exprimant un consensus au sein du groupe, etc.).

Tout cela fait de l'Afrique, et notamment de l'Afrique subsaharienne, une région à part. La faiblesse de la croissance s'explique certes par des causes classiques, comme la faiblesse du taux d'épargne (18 % en 1996, contre 38 % en Asie de l'Est), mais les analyses économétriques qui se sont multipliées ces dernières années mettent toujours en lumière une spécificité africaine, toutes choses égales par ailleurs.

L'Afrique subsaharienne est souvent présentée comme une région en voie de marginalisation, exclue de la mondialisation. Effectivement, sa part dans le commerce mondial se réduit : en 1996, elle ne dépasse pas 1,4 % du commerce mondial. Certains facteurs permettent cependant d'envisager une inflexion des tendances passées.

Des pôles de développement régionaux ?

Au sein de cet ensemble formé de très petites économies (35 pays ont moins de 10 millions d'habitants, et 36 ont un PIB inférieur à 7 milliards de dollars en 1996), il en émerge cependant quelques-unes qui pourraient jouer un rôle de leader régional. Le Nigeria, avec environ 115 millions d'habitants en 1996 (augmentant au rythme de 3 % par an), est certainement l'un d'entre eux, malgré ses performances économiques très limitées et ses très fortes inégalités de revenu. Ses richesses pétrolières et la taille du marché intérieur attirent les investissements étrangers, malgré la désorganisation des services publics et les détournements de fonds. L'Afrique du Sud, par son niveau de revenu et d'industrialisation, tranche également sur la situation des autres pays africains. Ce pays de 38 millions d'habitants, semi-industrialisé, intégré aux marchés mondiaux, y compris au marché des capitaux, semble en voie de constituer un pôle de développement susceptible d'entraîner dans son sillage les pays limitrophes.

En Afrique de l'Ouest, notamment, le développement est handicapé par l'importance des coûts de transaction liés à la très faible densité de la population rurale. La poursuite de l'urbanisation peut réduire ces coûts et favoriser ainsi le décollage économique, à condition toutefois que la gestion des villes s'améliore.

Par ailleurs, les politiques d'ajustement structurel menées dans presque tous les pays depuis le début des années 1980 modifient (très) progressivement les modes de fonctionnement des économies, en réduisant notamment l'omniprésence des appareils d'État. Cela peut faciliter le développement des initiatives privées, qui restent limitées dans le domaine industriel. Le domaine des services marchands est plus prometteur et moins consommateur de capital.

Enfin, à long terme, le coût de la main-d'œuvre progresse en Asie, ce qui peut se traduire un jour par une délocalisation vers l'Afrique de certaines activités fortement consommatrices de main-d'œuvre

M. R.

➙ Nord-Sud, tiers-monde

Aftalion (Albert)

Économiste français (1874-1956) qui étudia les cycles et les crises économiques.

Il acquiert une réputation internationale grâce à son livre les Crises périodiques de surproduction, paru en 1913. Dans cet ouvrage, il propose une explication originale des fluctuations combinées de l'activité, de la demande et des prix. En période de prospérité, une demande supérieure à l'offre conduit d'abord à une hausse des prix. Les commandes de biens d'équipement qui sont alors passées, tout en transmettant une accélération de la demande à ce secteur, ne permettent qu'après un certain délai la hausse de la production des biens de consommation, qui, par des erreurs de prévisions, devient excessive. Une surproduction se développe, accompagnée d'une baisse des prix. Aftalion élargit cette analyse en 1927, dans Monnaie, prix et change, par une théorie psychologique de la monnaie.

P. L.

➙ Débouchés, inflation, investissement