Principal objectif de la reprise en main : l'économie « exsangue et désorganisée ». Les caisses sont vides, la production est tombée d'un bon tiers (de moitié dans certains secteurs), l'inflation avoisine 50 %, la dette extérieure atteint 95,5 milliards. Les désordres ont fait fuir les capitaux, les cadres et les touristes. Aussi, dans le programme gouvernemental qu'il présente au début du mois d'août au Parlement, M. Soares recommande-t-il toute une série de mesures d'austérité.

Retour des capitaux

D'autre part, le Premier ministre entreprend de corriger l'image du Portugal à l'étranger, afin d'attirer les capitaux et les investissements. Tout de suite, les États-Unis vont accorder une aide de 25 millions de dollars, suivie un peu plus tard, à la fin de 1976, d'un prêt de 300 millions. Le 25 février 1977, le gouvernement procède à une dévaluation de 15 % de l'escudo, décision accompagnée d'un nouveau train de mesures d'austérité.

Cet effort de stabilisation incite au rapatriement des devises des émigrés : la somme dépasse 26 milliards d'escudos (3,5 milliards de F), soit 26,6 % de plus qu'en 1975.

Mario Soares profite de cette tendance pour accomplir un pèlerinage à travers les pays européens, afin de présenter la candidature du Portugal au Marché commun. Le 7 mars, il est accueilli à Paris par le président Giscard d'Estaing, accueil aimable mais non dépourvu de réticences : l'Europe des Neuf ne fonctionne guère, et l'ouverture de son marché aux produits agricoles portugais risquerait d'en aggraver le déséquilibre.

Occupation sauvage

Avec prudence, mais détermination, le gouvernement s'attaque à un problème plus délicat, celui de l'occupation sauvage des logements et des terres, ainsi que de la mise en autogestion trop hâtive de certaines entreprises ; 220 de ces entreprises devront être soit rendues à leurs propriétaires, soit gérées par des commissions de travailleurs contrôlées juridiquement ; 101 domaines agricoles, illégalement occupés, seront remis à leurs propriétaires. Ces décisions provoquent la démission du ministre de l'Agriculture Lopes Cardoso, socialiste de gauche, remplacé par le modéré Barreto. L'agitation sociale et le mécontentement des paysans de l'Alentejo ne fléchiront pas la résolution gouvernementale.

Au mois d'octobre, le ministre de l'Éducation, Sottomayor-Cardia, entreprend la remise en ordre de l'Université.

La politique du cabinet socialiste est vivement contestée par le puissant PPD, devenu parti social-démocrate, qui estime que la reprise en main n'est pas suffisamment poussée, et surtout par le PC, qui trouve, au contraire, qu'il s'agit d'une « déstabilisation » et d'une « récupération capitaliste ». Les accrochages sont fréquents et violents entre socialistes et communistes : un incident entre militants des deux partis, le 22 avril 1977, à Salvatora de Magos, manque de provoquer une rupture définitive entre « staliniens » à « vocation totalitaire » et « pourvoyeurs de la réaction ».

Mais, même au sein du PS, on assiste à des affrontements entre modérés, partisans du secrétaire général, et éléments de gauche. Après quelques exclusions, le parti retrouvera une homogénéité, approuvée par le jugement populaire, lors des élections locales de la mi-décembre : le PS remporte, en effet, 32,24 % des suffrages, révélant la stabilité du corps électoral. Un encouragement pour Mario Soares.

Ordre dans l'armée

C'est au président Eanes, activement secondé par le ministre de la Défense, le colonel Firmino Miguel, confident de Spinola, qu'il appartient de remettre de l'ordre dans l'armée. Il faut, déclare le chef de l'État, éliminer « les séquelles de la période troublée qui précéda le 25 novembre et au cours de laquelle les forces armées étaient en voie de se transformer en bandes armées au service d'intérêts partisans ». Dès le milieu de l'été, une offensive est déclenchée contre le Conseil de la révolution, organisme « dépourvu de racines démocratiques », selon le quotidien socialiste A Capital, qui n'a « aucune légitimité nationale » et constitue « le principal obstacle à la démocratie ». Un peu plus tard, les administrateurs militaires de la télévision sont démis de leurs fonctions. Puis, en décembre 1976, est publié un rapport officiel sur les brutalités perpétrées par les militaires de gauche et les arrestations arbitraires avant le 25 novembre 1 975. Parmi les 32 officiers impliqués, Otelo de Carvalho, cerveau de la révolution des œillets, et l'amiral Rosa Coutinho, qui seront déférés le 16 mars 1977 devant le Conseil supérieur de discipline pour « incapacité professionnelle et morale », « actes illégaux et sévices » et pour avoir « voulu détruire l'armée traditionnelle ».