Mais Empain-Schneider s'intéresse plus spécialement aux fabrications nucléaires de Creusot-Loire qu'à son secteur métallurgique.

Le baron Empain, en échange de la reconnaissance de son leadership sur Creusot-Loire, abandonne donc le contrôle de Marine-Firminy. D'où les négociations parallèles que les deux grands rivaux de l'acier français-Usinor, par sa maison mère Denain-Nord Est-Longwy (DNEL), et Sacilor (ex Wendel-Sidelor), par sa maison mère Cie lorraine/industrielle et financière (CLIF) – ont menées avec Empain-Schneider pour le rachat de Marine-Firminy.

La CLIF était plus directement concernée, en raison des intérêts sidérurgiques de Marine-Firminy en Lorraine (12 % de Sacilor) et en Sarre (23,5 % de Dilling), imbriqués avec les siens propres (27 % de Sacilor) et avec ceux que Saint-Gobain-Pont-à-Mousson était disposé à céder (34 % de Dilling et 16 % de Sacilor).

Marine-Firminy contrôlée par la CLIF, c'était enfin la possibilité de rationaliser la sidérurgie de l'Est, égarée dans les particularismes de groupes mal dégagés de leurs structures familiales.

En revanche, Marine-Firminy contrôlée par DNEL, c'était admettre la mainmise du groupe du Nord sur celui de l'Est et, par conséquent, une inconcevable concentration des deux tiers de toute la sidérurgie française.

Après une sombre bataille en Bourse et dans les milieux d'affaires, la coalition Empain-De Wendel (CLIF) l'emporte.

Parmi les grands

Les apports industriels de la CLIF à Marine-Firminy (sociétés d'emballages métalliques, de tôles Inox, de galvanisés, de tubes et profilés, de commerce des métaux et des machines, mais essentiellement actions de Sacilor) font d'elle (dénommée CLIF-Marine) le pivot de la restructuration de la sidérurgie lorraine ; le leadership du groupe Empain-Schneider sur Creusot-Loire est affirmé sans discussion.

Ainsi, le renforcement et la diversification du groupe lorrain sortent vainqueurs du coup de poker de DNEL, qui enregistre par présomption son premier véritable échec dans la politique audacieuse de croissance qui était la sienne depuis 15 ans.

Les accords entre la CLIF et Empain-Schneider permettront-ils une rationalisation (entre aciers courants, d'une part, aciers spéciaux et transformation d'autre part) aussi efficace que les pures et simples absorptions opérées en RFA ? Ou bien, en ce domaine aussi, le flou des structures où les Lorrains se complaisent leur nuira-t-il ?

Usinor parviendra-t-il, par développement interne ou par un accord avec un partenaire français (PUK ? Pompey ?) ou étranger (un Belge) ?, à rejoindre le peloton de tête des sidérurgistes européens, armés pour la bataille des dix prochaines années ?

La résistance à la conjoncture présente des différentes économies nationales et de leurs principaux groupes sidérurgiques pèsera au moins autant que la justesse des plans et l'habileté des manœuvres dans l'issue du combat.

Aérospatiale

Le cap des 10 milliards est franchi

En 1974, l'industrie aéronautique française a franchi pour la première fois le cap des 10 milliards de francs de commandes à l'exportation. Avec 10 423 millions de francs hors taxe (contre 5 470 millions de F en 1973), le record précédent (5 507 millions de F en 1970) a été pulvérisé. Ce dernier chiffre était pourtant considéré comme exceptionnel. L'année 1975 a bien commencé, sans qu'on puisse cependant savoir si elle connaîtra un aussi large succès.

En dix ans (1965-1974), le montant total des commandes à l'exportation atteint ainsi 41 milliards de francs, dépassant largement les prévisions du VIe Plan. Mais ces commandes sont pour l'essentiel, d'origine militaire ; elles sont dues à deux facteurs principaux : d'une part, les suites de la guerre du Kippour et, d'autre part, le quadruplement du coût du pétrole, qui a donné aux pays producteurs des moyens financiers considérables et le désir de s'armer à outrance.

Les principaux matériels commandés sont en effet les Mirage 3, les Mirage 5 et les Mirage F1, les Jaguar franco-britanniques, les missiles tactiques et les hélicoptères. Dans le domaine civil, on trouve surtout des biréacteurs d'affaires Falcon-10 et Falcon-20, des avions légers et des hélicoptères, la différence entre hélicoptères civils et hélicoptères militaires étant d'ailleurs souvent difficile à faire.