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Énergie

La crise est digérée

L'offensive brutale des producteurs de pétrole, qui avait provoqué un commencement de panique dans les économies occidentales fin 1973-début 1974, reflue plus vite qu'on pouvait le penser. En 1975, l'économie française, pour s'en tenir à elle, surmonte les conséquences de la crise et met en œuvre une politique qui devrait, à terme, alléger sa dépendance à l'égard du pétrole.

Pour la première fois depuis très longtemps, la consommation d'énergie en France n'augmente pas en 1974 ; on voit même baisser les produits pétroliers (5,6 %). Il en est de même dans beaucoup de pays, de sorte qu'au total (phénomène, là aussi, sans précédent) la production de pétrole brut dans le monde non communiste reste la même en 1974 qu'en 1973. Les premières indications pour 1975 : portent même sur une baisse.

La nomination de Jean-Claude Colli au poste de délégué aux Énergies nouvelles est annoncée le 10 février 1975. La désignation d'un Monsieur Énergies nouvelles avait été décidée par le premier Conseil central de planification, réuni à Paris pour définir les grandes orientations de la politique énergétique des dix prochains années.

Renversement

Ce coup de frein a plusieurs explications. En premier lieu, sans doute, la forte hausse des prix des produits énergétiques, qui incite les utilisateurs à l'économie. Mais ils y sont aidés par des circonstances accidentelles : la douceur de l'hiver 1974-1975, qui permet de réduire le chauffage domestique, et la récession économique, qui comprime les besoins de l'industrie. Quoi qu'il en soit, en un peu plus d'un an la tendance du marché pétrolier mondial se renverse complètement : à la crainte de pénurie succède la pléthore.

La conséquence se marque d'abord sur les prix. Après le quadruplement intervenu à la fin de 1973, les prix du pétrole brut continuent de monter pendant toute l'année 1974, à la suite de diverses décisions prises par l'OPEP, l'organisation des producteurs, à Quito (16 juin). Vienne (12 septembre) et Abou Dhabi (10 novembre) ; à la fin de 1974, le prix moyen du brut avait quintuplé par rapport au 1er octobre 1973. Mais alors la tendance s'infléchit. Le 13 décembre, à Vienne, l'OPEP décide de geler les prix officiels jusqu'en octobre 1975. En fait, pour écouler une production qu'ils sont désormais obligés de réduire, les pays producteurs commencent à accorder rabais et facilités de paiement.

Ces premiers fléchissements de l'OPEP, les puissances occidentales essaient de les exploiter sur le plan diplomatique. Mais en ordre dispersé, et sans succès. Deux stratégies sont en effet en concurrence, l'américaine et la française. Le 24 octobre 1974, Valéry Giscard d'Estaing lance au nom de la France l'idée d'une conférence internationale sur l'énergie, où seraient représentés les pays producteurs, les pays consommateurs et le tiers monde. Après bien des discussions sur l'ordre du jour et la composition de cette conférence, une réunion préparatoire, organisée à Paris du 7 au 15 avril 1975, se sépare sur un échec complet.

Henry Kissinger, de son côté, avait réussi à regrouper sous la houlette américaine la plupart des pays consommateurs (la France avait refusé) dans une Agence internationale de l'énergie ; mais cette organisation n'a pas pris d'initiatives marquantes, pas même celle d'approuver la proposition américaine de fixer un prix plancher du pétrole brut.

À la Conférence du pacte Atlantique, du 29 mai au 1er juin, l'Amérique fait toutefois un premier pas en direction des thèses françaises. Quant à la Communauté européenne, entre les velléités françaises et américaines, elle témoigne d'une complète aboulie.

Orientations

Il reste qu'en raison de la stagnation des besoins et surtout de la revalorisation du franc par rapport au dollar (le pétrole brut est payable en dollars) l'approvisionnement en énergie ne pose plus de problèmes financiers aussi graves que prévu : en 1975, la France rétablit l'équilibre de ses échanges extérieurs. L'alerte, cependant, a été salutaire. Le 1er février 1975, un conseil de planification arrête une nouvelle politique énergétique visant à réduire notre consommation et notre vulnérabilité. Les principales orientations en sont les suivantes :
– l'objectif est de ramener la consommation d'énergie en 1985 à 240 millions de tonnes équivalent pétrole (contre 285 millions prévus avant la crise et 175 millions effectivement consommés en 1973) ; ces perspectives correspondent à un taux de progression ramené à 3 % par an ; une Agence pour les économies d'énergie est créée ; un système de primes et d'amendes incitera les industriels à un effort sérieux ;
– la France cherchera à conclure des accords d'État à État avec les pays producteurs de pétrole ; elle accélérera les recherches sur son territoire, notamment au large de la Bretagne (mer d'Iroise) ;
– un important programme électronucléaire sera maintenu ;
– la révision (en hausse) du plan de production des Charbonnages de France ne sera pas limitée en tonnage, mais seulement par le prix de revient (3 centimes la thermie) du charbon qu'il sera possible d'extraire ;
– enfin, de nouvelles études seront entreprises sur le potentiel français en énergie hydraulique et marémotrice.

Les sociétés pétrolières secouées par la tempête

Une commission d'enquête dépose sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 29 octobre 1974, un rapport, qui lui avait été demandé quatre mois plus tôt, sur les activités des sociétés pétrolières en France. Plus connu sous le nom de « rapport Schvartz » (du nom du rapporteur Julien Schvartz, député UDR de la Moselle), ce document provoque de vifs remous et nombre de malentendus.