Les tristes records se répètent également au niveau des cessations d'activité : 2 600 entreprises du bâtiment et des travaux publics ont dû fermer leurs portes en 1974, soit 37 % de plus qu'en 1973, alors que la progression n'était que de 27 % pour l'ensemble des secteurs.

Toutefois, pâle lueur d'espoir dans un sombre horizon, la situation des entreprises semble s'améliorer au début de 1975 : 57 % des entrepreneurs du bâtiment et 51 % des entrepreneurs de travaux publics font état de difficultés de trésorerie en janvier. Or, en octobre 1974, les plaintes émanaient de 69 % des entreprises du bâtiment et de 58 % des sociétés de travaux publics. Il faut sans doute voir là les premiers effets des différentes mesures prises pour accélérer les paiements publics. Ce qui, bien sûr, ne suffit pas à éclairer totalement une conjoncture bien périlleuse pour nombre d'entreprises plus ou moins artisanales, plus ou moins bien préparées à affronter la crise.

Chimie

Un avenir semé d'embûches

L'industrie chimique française a traversé, en 1974, trois phases d'activité très différentes les unes des autres. Pendant les trois premiers mois, la demande est très forte, mais, du fait de la pénurie des matières premières (pétrole, naphta) à la suite de l'embargo pétrolier de la fin de 1973 (Journal de l'année 1973-74), les industriels ne peuvent honorer les commandes. Puis jusqu'à l'été, la pompe à matières premières réamorcée, les livraisons se normalisent. La clientèle française continue encore à stocker et le marché international reste demandeur, du fait du niveau relativement bas de nos prix.

Marasme

À la fin de l'été, la tendance se renverse totalement et, comme le textile, l'industrie chimique s'enfonce dans le marasme. Au total, la production augmente de 9 % au cours des trois premiers trimestres, puis elle baisse de 10 % en trois mois, soit, globalement, une hausse de 4 % sur l'année, le tiers du taux de croissance moyen observé au cours d'années récentes. Autre manifestation caractéristique du ralentissement d'activité : les prix, qui ont augmenté de 23 % de janvier à octobre 1974, ne progressent que de 0,2 % en novembre et décembre, avant d'entraîner un mouvement de baisse. Les prix des fibres synthétiques, relevés de l'ordre de 60 % depuis le début de 1973, retrouvent même, au début de 1975, des niveaux inférieurs à ceux d'avant le quadruplement du prix du pétrole !

Comme c'est généralement le cas en période de crise, l'année est moins mauvaise pour la chimie minérale (production en hausse de 6 %) que pour la chimie organique (+ 5,2 % seulement). Elle bénéficie de la bonne orientation du marché des engrais (9,9 % de hausse de la production) et de la sous-capacité permanente en acide sulfurique. Dans la chimie organique, après la période faste du milieu d'année, le ralentissement conjugué dans le textile, le bâtiment et l'automobile affecte en particulier les fibres synthétiques, les colorants, les peintures, les produits d'entretien.

Les premiers mois de 1975 ne donnent pas de signe de redressement dans ces secteurs, pas plus que le miniplan de relance de J.-P. Fourcade à la fin d'avril. À cette époque, les usines d'engrais tournent encore à 80-85 % de leur capacité, à 70 % dans les fibres, à 60 % dans les produits d'entretien et à 50 % seulement dans les produits de base (éthylène) et les plastiques (malgré une baisse de 10 % des prix).

Trois conséquences à cette situation de crise : après des bénéfices records en 1974, les entreprises vont perdre de l'argent en 1975. Ensuite, il faudra bien licencier, car les artifices sociaux (anticipations de congés, travaux d'entretien, réductions d'horaires) sont épuisés. Enfin, les programmes d'investissements seront étalés.

Précisément au moment où les projets foisonnent. D'abord pour réduire les importations, le gouvernement va aider les cinq principaux producteurs français d'engrais à construire des unités géantes d'ammoniaque.

Vapocraqueurs

Trois projets de vapocraqueurs (unités produisant notamment l'éthylène et le propylène nécessaires aux plastiques et aux fibres synthétiques) sont actuellement annoncés par CDF-Chimie, l'Entreprise minière et chimique et ATO (Aquitaine-Total), soit trois entreprises à capitaux en majorité publics. Mais personne n'ose tirer le premier, de peur de se retrouver en situation de surcapacité au moment du démarrage de ses installations.