Pendant que les chimistes français s'observent et que le gouvernement hésite, Dow Chemicals, le numéro 2 américain, annonce, en février 1975, son intention d'investir pour 2 milliards de francs au Verdon, avec, entre autres, un vapocraqueur géant de 45 000 tonnes !

Les choix d'investissements dans l'industrie chimique deviennent de plus en plus difficiles. Un point est certain : les capacités européennes seront vite saturées, le jour où la demande repartira. Mais quand sonnera l'heure de la reprise ? Et en combien de temps aura-t-on épuisé les capacités ? Tous les experts prévoient pour la chimie un brillant avenir à moyen terme.

Quelques observations peuvent tempérer ce jugement : les textiles chimiques souffrent désormais d'une préférence de nouveau marquée pour le naturel (laine, coton). Le plastique est de plus en plus combattu par les écologistes. Certaines industries consommatrices (bâtiment, automobile) mettront peut-être des années à redresser la tête. Et on parle de plus en plus d'installations géantes en Arabie Saoudite, au Koweït, en Iran. N'allons-nous pas être envahis de polyester iranien et de PVC iraqien ?

Il faut bien admettre que, sur ce point, la réalité est largement en deçà des ambitions des nouveaux riches du pétrole. Un an et demi après le quadruplement des prix du pétrole, seuls deux projets ont été signés : une usine de fibres synthétiques à construire par Du Pont de Nemours en Iran (mais avec quelle matière première ? le vapocraqueur d'étylène iranien est encore en projet) ; une unité pétrochimique en association entre CDF-Chimie et le gouvernement du Qatar. Il faudra bien attendre dix ans, c'est-à-dire beaucoup d'hésitations puis beaucoup de gâchis, avant que les produits du Moyen-Orient n'arrivent dans nos ports.

En attendant, une tendance de plus en plus nette est à l'association entre producteurs, en particulier pour construire des unités dévoreuses de capitaux et produisant des matières de base. ATO a fait appel au Hollandais Akzo pour son projet de vapocraqueur en France. CDF-Chimie s'est associé pour sa part, à concurrence de 40 %, avec le Qatar. À l'étranger, Montedison travaille avec ICI en Sicile, Monsanto en Angleterre, peut-être avec CDF-Chimie en France. Rhône-Poulenc renforce certains liens avec Bayer. Au moment où s'achève la restructuration de l'industrie chimique européenne (la dernière opération, la reprise de Valentine par Nobel-Bozel, met définitivement la peinture aux mains des grandes entreprises), l'heure est au doute, c'est-à-dire à la concertation, pour ne pas dire à la cartellisation.

Textiles

La dernière belle saison

Pendant trois ans, de 1971 à 1973, l'industrie textile a connu une conjoncture relativement favorable. Il fallait bien cela pour assainir ses structures économiques et financières. Par une sorte de fatalité, la situation va se retourner en 1974. L'année débute pourtant dans l'euphorie. Une euphorie trompeuse, puisque l'activité est stimulée en grande partie par un stockage frénétique. Après la guerre du Kippour, chaque filature prévoit en effet que, faute de matières premières (éthylène notamment), les producteurs de fibres synthétiques vont réduire leur production et augmenter en même temps leurs prix. Conclusion : un afflux massif de commandes.

Le coton, redevenu compétitif par rapport au synthétique, lui aussi, est très recherché. Ainsi, en un peu plus d'un an, de janvier 1973 à février 1974, les prix du coton vont doubler.

Stocker

Les filateurs ne sont pas les seuls à stocker. Les tisseurs, les bonnetiers, les confectionneurs font de même, chacun stimulant artificiellement (souvent par des doubles commandes) l'activité de ses fournisseurs.

Dans le même temps, le marché ne suit pas au même rythme et le gouvernement restreint le crédit.

Conséquence : tout au long de l'année, une baisse régulière de certains prix (notamment sur les matières premières : coton, 50 % ; polyester, 40 %), allant de pair avec l'annulation de la plupart des commandes, chacun étant à la fois détenteur de stocks importants et soucieux d'acheter au creux de la baisse.