Le fait que le prix intérieur du pétrole soit également subventionné — il ne s'élève qu'à 20 % du prix mondial — pourrait d'ailleurs provoquer une diminution des revenus pétroliers. La consommation interne croît en effet plus vite (12 à 15 % par an) que la production (7 %).

Cette situation place Hosni Moubarak devant un choix particulièrement cruel dans un pays où 33 % des citadins et 44 % des ruraux vivent au-dessous du seuil de pauvreté : renoncer aux prêts internationaux, indispensables pour maintenir l'Égypte à flot, ou accepter la diminution draconienne des subventions publiques exigée par le FMI et s'exposer ainsi à de graves troubles sociaux. Quelques heures après des manifestations ouvrières à Kafr el-Dawar (près d'Alexandrie), le chef de l'État s'est empressé d'annuler, le 1er octobre, l'augmentation des produits de première nécessité, décidée quelques jours auparavant. Personne n'a oublié que l'adoption de telles mesures avait provoqué en 1977 de violentes émeutes au Caire.

José Garçon

Iran

L'attente de la succession

La nouvelle escalade militaire déclenchée fin avril 1983 par les Iraqiens dans le Golfe pour tenter de priver le régime de Téhéran de son unique source en devises étrangères, en asphyxiant graduellement le terminal de l'île de Kharg, place les dirigeants iraniens devant un redoutable défi. Pour la première fois depuis l'opération Jérusalem qui, en mai 1982, avait débouché sur la libération de Khorramchahr et la reconquête de la quasi-totalité des territoires occupés par les Iraqiens, Téhéran voit l'initiative lui échapper.

Désormais, c'est l'Iraq qui impose une nouvelle stratégie militaire dont l'objectif essentiel semble être, d'une part, de réduire le volume des exportations pétrolières qui alimentent la machine de guerre de l'Iran et, de l'autre, d'étendre le conflit à l'ensemble du Golfe pour provoquer un embrasement général qui, tôt ou tard, conduirait à l'internationalisation du conflit, première étape d'une paix négociée que Téhéran n'est toujours pas disposée à conclure avec le régime baassiste de Bagdad.

Les responsables de Téhéran s'efforcent de tirer les leçons de l'échec de leur offensive de février, dû en grande partie à des problèmes de logistique qui sont loin d'avoir été réglés. De plus, l'Iran semble se heurter à de graves problèmes de fournitures militaires et tente apparemment de combler son retard par rapport à l'armée iraqienne qui, grâce à l'aide militaire de la France et de l'URSS, jouit d'une supériorité quantitative et qualitative incontestable dans les domaines de l'armement lourd et de l'aviation.

Une nouvelle offensive de grande envergure est donc exclue pour l'instant par les responsables de Téhéran qui s'efforcent de parer au plus pressé : comment désamorcer la tentative iraqienne d'internationalisation du conflit ? Leur dilemme est de taille, et ils ne souhaitent pas tomber dans le piège iraqien en ouvrant un second front dans le Golfe contre les monarchies pétrolières qui appuient en sous-main Bagdad. Il n'est évidemment pas question de mettre à exécution les menaces, si souvent proférées dans le passé, de fermer le détroit d'Ormuz, entreprise pratiquement irréalisable sur le plan technique, et dont l'Iran serait le premier à subir les conséquences.

Ouvertures

Les dirigeants de Téhéran sont donc obligés de mettre en application une riposte graduée, en s'attaquant aux pétroliers qui chargent au port saoudien de Ras Tanoura, chaque fois qu'un bâtiment est touché dans la zone de l'île de Kharg. Il s'agit pour eux de convaincre les États du Golfe, particulièrement vulnérables sur le double plan politique et militaire, que la déstabilisation de la région menace davantage leurs intérêts que ceux de l'Iran, qui survit tant bien que mal, depuis cinq ans, dans un état de pénurie chronique. L'incident aérien du 5 juin au cours duquel un avion iranien est abattu par la chasse saoudienne souligne cependant les risques de dérapage qu'une telle politique comporte.

Les difficultés économiques provoquées par la baisse des exportations pétrolières, qui tombent à moins d'un million de barils/jour (contre une moyenne normale de 1,8 à 2 millions), amènent Téhéran à souhaiter une pause, afin de ne pas aggraver son isolement. Une timide ouverture vers l'Occident commence à s'ébaucher.