Par ailleurs, les États-Unis envoient deux avions radars AWACS et expriment leur intention de livrer à Khartoum deux chasseurs-bombardiers F-5 et un certain nombre de blindés.

Dans l'ensemble, Washington se propose d'accorder une aide de 271 millions de dollars au Soudan pour l'année fiscale 1985, dont 120 millions au titre de l'aide économique et 69 millions pour l'assistance militaire.

En plus de cette aide militaire, les pays occidentaux industrialisés, regroupés au sein du Club de Paris, acceptent de rééchelonner, sur 16 annuités, 300 millions de dollars de dettes publiques devant être remboursées en 1984. Le nouveau sursis accordé est le plus long jamais offert par les créanciers et reflète l'inquiétude de l'Occident devant les difficultés de l'économie soudanaise (la dette extérieure globale du Soudan s'élève à environ 8 milliards de dollars) et les menaces pesant sur le président Nemeiry.

Georges El Rassi

Tunisie

Rivalité entre dauphins

Plus que jamais au cœur du Maghreb politique et diplomatique, la Tunisie vit sous le triple signe de la crise de reconversion économique, de la guerre de succession et de l'éclatement de l'Afrique du Nord en blocs rivaux.

Émeutes du pain

Rappelant à certains égards les événements du 26 janvier 1978, à Tunis, et le soulèvement de Gafsa en janvier 1980, de très violentes émeutes dirigées contre la hausse des prix du pain naissent dans le Sud déshérité, autour du Chott el-Jerid, dans les tout derniers jours de l'année 1983, gagnent les villes industrielles et minières du Sud, comme Gafsa, puis Tunis et l'ensemble du pays.

Émeutes, pillages, violences ont lieu un peu partout, et notamment à partir des banlieues pauvres et des bidonvilles de la capitale, comme Melassine. La Ligue tunisienne des droits de l'homme dénombre plus de 90 morts, et le calme ne revient, le 6 janvier, que lorsque le président Bourguiba, surprenant une fois encore la classe politique, désavoue les décisions gouvernementales, au milieu de l'enthousiasme général. Les grandes manœuvres politiques peuvent (re)commencer...

Les oubliés du bourguibisme

Ces émeutes, s'attaquant à tous les symboles de richesse ostentatoires — voitures et vitrines de luxe —, témoignent du caractère explosif des inégalités sociales et de la pauvreté des oubliés du bourguibisme, dans un pays qui compte par ailleurs d'importantes réalisations à son actif : un taux de scolarisation de 90 %, un taux d'urbanisation parmi les plus élevés du tiers monde, mais 60 % des jeunes au chômage, et près du quart des Tunisiens vivant encore au-dessous du seuil de pauvreté.

La marge de manœuvre du gouvernement est très étroite. Même si le pompage du pétrole s'est accru de 10 % et la production de phosphate de 32 % en 1983, et si la redevance du gazoduc algéro-italien qui traverse le pays doit rapporter 20 millions de dollars en 1984, toutes les structures économiques restent orientées vers l'extérieur. Or, l'Europe, en crise, est de plus en plus protectionniste.

Les deux secteurs clés que sont le tourisme et les exportations textiles de sous-traitance marquent le pas ou sont en baisse. La perspective d'élargissement de la CEE à l'Espagne et au Portugal ne peut qu'aggraver l'inquiétude, puisque 1 million de Tunisiens sur 7 millions vivent partiellement ou totalement des revenus de l'oléiculture, le pays exportant vers le Marché commun 50 000 t d'huile d'olive. La soupape que constitue traditionnellement l'émigration est de plus en plus bloquée. Quant à l'argent arabe, qui fait de Tunis un des principaux pôles financiers d'Afrique, il s'oriente trop souvent vers la spéculation immobilière.

Guerre de succession

L'irruption périodique et violente de l'« autre Tunisie » sur la scène politique est, comme chaque fois, exploitée au sein de l'équipe dirigeante. L'enjeu est la fonction de Premier ministre, dont la Constitution prévoit qu'il succédera de plein droit au président à vie Habib Bourguiba. Mohamed M'Zali, fidèle entre les fidèles, est en butte à toutes sortes de rivalités et à l'hostilité de ceux que regroupe autour d'elle la présidente, Wassila Bourguiba, femme au caractère et au savoir-faire exceptionnels.