Aussi la diplomatie russe s'est-elle efforcée de sortir de son tête-à-tête exclusif avec Damas. Elle s'est rapprochée de la Jordanie, a poussé ses alliés à réintégrer l'Égypte dans le camp arabe, a rétabli au niveau des ambassadeurs ses relations avec Le Caire, a conclu un traité avec le Nord-Yémen, et a encore accru son assistance à l'Iraq. De sorte qu'en fin d'année l'Union soviétique avait multiplié ses moyens d'action, même s'ils demeurent partout plus limités que ceux dont les États-Unis disposent.

Échec américain

La politique américaine, cependant, a connu, cette année, au Proche-Orient, un grave échec : ses protégés libanais ont eu le dessous dans leur confrontation avec le mouvement soutenu par la Syrie, et le retrait du contingent américain de Beyrouth s'est effectué dans des conditions telles qu'il apparut comme une défaite. Exclue politiquement et même économiquement du Liban, l'influence américaine pourrait y resurgir si un accord était conclu sur l'évacuation des régions méridionales du pays par l'armée israélienne. Les États-Unis, en tout cas, ont surmonté l'échec qu'ils y ont subi en préservant et même en renforçant les moyens d'action qu'ils ont presque partout ailleurs. Israël est demeuré leur allié privilégié, stratégique et militaire, dans la région et rien n'a sérieusement entamé sa supériorité. Et la politique américaine a pu, en même temps, comme elle l'a toujours voulu, conserver son influence sur les principaux États arabes du Proche-Orient : l'Égypte, l'Arabie Saoudite, les émirats du Golfe. Le roi Hussein de Jordanie a manifesté, souvent avec éclat, sa mauvaise humeur à l'égard de l'Administration Reagan, apparemment indifférente à l'impasse où le conflit israélo-arabe demeure enfermé : mais, quand il a songé à une relance des négociations, il ne songeait à rien d'autre qu'à un dialogue avec les États-Unis. Et ceux-ci sont parvenus en même temps à rétablir de bons rapports avec l'Iraq au point que les relations diplomatiques iraqo-américaines, interrompues depuis longtemps, ont été officiellement restaurées.

Ainsi cette région du monde a-t-elle été témoin, comme beaucoup d'autres, en 1984, de la prépondérance politique et stratégique des États-Unis sans que la rivalité soviéto-américaine cesse pour autant et sans qu'il en résulte aucune solution pour les crises dont elle est depuis si longtemps le théâtre.

Paul-Marie de la Gorce

Algérie

Souplesse et fermeté

Travaux de voirie, réfection de bâtiments publics, ravalement des façades, suppression des bidonvilles, transformation des abords de la présidence de la République : Alger a procédé à une toilette sans précédent depuis l'indépendance en 1962, pour célébrer le 30e anniversaire du déclenchement de la lutte armée, le 1er novembre 1954. Il est vrai que 1984 ouvre véritablement l'ère de Chadli Bendjedid, amorcée avec prudence en 1979.

L'équipe Chadli

Il aura fallu, en effet, un premier mandat de cinq ans au troisième président algérien (il a été réélu le 12 janvier) pour écarter, par touches successives, les barons du boumediénisme et mettre en place, tant au bureau politique du FLN qu'au gouvernement, des hommes fidèles qui appliquent ses directives. Officiellement, c'est le changement dans la continuité. La fidélité à la Charte nationale de 1976, document fixant les choix idéologiques, politiques et économiques, est réaffirmée, et les hommes en poste l'étaient déjà sous H. Boumediene. Sauf un : Abdelhamid Brahimi. Nommé Premier ministre le 22 janvier, il avait auparavant, en tant que ministre de la Planification, procédé à une série de changements en profondeur qu'il doit mener à leur terme.

H. Boumediene était le patron de l'armée. Chadli a été patronné par l'armée. Idéologue et volontariste, le successeur de Ben Bella avait construit l'État et l'économie à marches forcées. Pragmatique et obstiné, l'héritier de H. Boumediene s'est imposé en se voulant moins révolutionnaire et plus gestionnaire. Soucieux du bien-être des Algériens, il s'efforce, à petits pas, de rendre les institutions opérationnelles, les industries rentables et l'agriculture productive. Les choix du pays ont été révisés dans le sens de la rigueur et de l'efficacité, la priorité est donnée à l'agriculture et une plus grande place est accordée au secteur privé, ce que confirme le projet de plan 1985-1989 adopté en juillet par le gouvernement.

La relève

Les changements survenus depuis le 5e Congrès du FLN en décembre 1983 illustrent la volonté d'assurer la relève suivant le principe : les techniciens au gouvernement, les politiques au parti ; 92 membres, près de 50 % des effectifs, du Comité central ont été remplacés par des jeunes ou des anciens de qualité relégués par H. Boumediene. Autre innovation : 14 vice-ministres, choisis parmi les meilleurs cadres de l'administration, renforcent l'action gouvernementale par leur connaissance des dossiers dans des secteurs sensibles, énergie, finances, habitat, hydraulique, affaires étrangères.