L'alliance électorale de cette formation, de tradition pourtant laïque, avec les islamistes a en outre de quoi inquiéter le chef de l'État égyptien qui redoute une vague intégriste : 9 frères musulmans ont été élus sur les listes du Wafd ! Et la clémence du verdict rendu le 30 septembre, à l'issue du procès des 302 inculpés du groupe islamiste Al Jihad, montre la préoccupation des autorités : aucune condamnation à mort n'est en effet prononcée contre ces intégristes qui avaient mis à feu et à sang la ville d'Assiout, en octobre 1981.

L'échec des partis de gauche, qui n'ont pu atteindre la barre des 8 % nécessaires pour entrer au Parlement, prive enfin Moubarak d'un allié éventuel pour contrebalancer l'influence du Wafd. Ces élections demeurent les plus libres depuis le renversement de la monarchie en juillet 1952, en dépit de résultats peu enthousiasmants (le PND gouverne avec 12 % seulement du corps électoral, compte tenu des abstentions !), malgré les irrégularités, de graves incidents dans tout le pays et le refus de légaliser les organisations nassériennes, communistes et islamistes.

Réintégration

En politique étrangère, on aperçoit la fin de l'ostracisme dont le monde arabe et islamique avait frappé l'Égypte en 1979 après la signature de son traité de paix séparée avec Israël. Le 19 janvier, en effet, l'Égypte est réintégrée au sein de l'OCI (Organisation de la Conférence islamique), grâce à l'offensive de plusieurs pays africains et asiatiques et en dépit de l'hostilité syrienne, libyenne, tunisienne, sud-yéménite et algérienne.

En annonçant huit mois plus tard, le 25 septembre, le rétablissement de ses relations diplomatiques avec Le Caire, la Jordanie transforme le processus de réintégration de l'Égypte dans le monde arabe en un phénomène irréversible. D'autres pays arabes — comme l'Iraq ou le Maroc — pourraient suivre l'exemple d'Amman, rendant dérisoire l'hostilité de régimes qui ne se privent pas, par ailleurs, de multiplier les contacts officieux avec Le Caire.

L'année marque aussi les retrouvailles avec l'Union soviétique : après de longues tractations et trois ans de « gel total », Le Caire renoue ses relations diplomatiques avec Moscou en juillet.

Les rapports avec Israël ne suivent pas, en revanche, la même courbe ascendante. Si les accords de Camp David ne sont pas remis en question, le fossé ne cesse de se creuser entre Le Caire et Tel-Aviv. La rencontre entre le président égyptien et Yasser Arafat en décembre 1983, la rupture des relations avec le Salvador qui a transféré son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, le soutien égyptien à la proposition soviétique de Conférence internationale sur le Proche-Orient et le refus persistant du Caire de renvoyer un ambassadeur en Israël ont instauré entre les deux États une paix glaciale. Et l'espoir des Égyptiens de voir les élections israéliennes de juillet déboucher sur la constitution d'un « gouvernement fort » et un changement fondamental de politique de l'État hébreu a tourné court.

Dépendance

L'effort fait enfin par Hosni Moubarak pour reprendre une place de premier plan au sein du mouvement des non-alignés (il a effectué une tournée en Afrique au début de l'année) continue à buter sur la dépendance — notamment économique — de l'Égypte à l'égard des États-Unis. Washington fournit en effet au Caire une aide économique annuelle de 1 milliard de dollars et une aide militaire de 1,36 milliard, alors que les investissements privés étrangers restent peu importants.

La situation économique demeure très difficile. Sans remettre fondamentalement en cause l'Infitah, le plan quinquennal adopté par le président égyptien, qui met l'accent sur les investissements productifs, prévoit une croissance annuelle de 8,1 %. On craint cependant qu'elle ne dépasse pas finalement la moitié de ce chiffre.

L'Égypte réussit certes, en 1984, à stabiliser ses ressources financières provenant du pétrole (860 000 barils/jour en 1984 ; trois fois plus de contrats d'exploration pétrolière prévus qu'en 1983), du canal de Suez (957 millions de dollars en 1982-83) et du tourisme (600 millions de dollars). Les envois de fonds des Égyptiens émigrés à l'étranger — principale ressource du pays — ont même augmenté de 50 %, atteignant au minimum 3 milliards de dollars.

Dilemme

Mais la production alimentaire n'a augmenté que de 2 %, contraignant à importer la moitié de la consommation du pays. Le coût en est d'autant plus élevé pour l'État qu'il distribue 2,5 milliards de dollars par an pour subventionner les produits de première nécessité. Réduire ces subventions susciterait des émeutes.