Détente ? L. Brejnev réaffirme fin décembre la confiance du Kremlin envers les autorités de Varsovie ; V. Ponomarev, secrétaire du C. C. du PCUS, déclare que « les Polonais sont assez grands pour régler leurs affaires entre eux » et la Pravda affirme que « la situation s'améliore, quoique lentement ».

Calme trompeur. Un mois plus tard la presse soviétique commence une campagne qui va aller croissant contre le syndicat Solidarité, dont elle souligne « le caractère politique prononcé ». Dénonçant l'existence en son sein « d'éléments antisocialistes de droite qui le contrôlent », elle s'en prend nommément à Jacek Kuron et Adam Michnik, désignés comme « conspirateurs contre-révolutionnaires ».

À l'issue du XXVIe Congrès, le 4 mars 1981, Moscou, dont l'impatience ne cesse de croître, met en demeure Varsovie non seulement de stabiliser la situation et de mettre fin à l'« anarchie », mais aussi et surtout de « renverser le cours des événements ». Difficile à imposer. Près de deux mois plus tard, le 23 avril, M. Souslov, membre influent du Politburo, qui se rend à Varsovie, use d'un ton beaucoup plus modéré.

Entre-temps le Kremlin, qui a pu constater que ni les modérés du parti ni Solidarité ne se sont laissés intimider par les avertissements, les menaces, et même par les manœuvres militaires, a peut-être pris conscience que le « renversement de la situation » est plus affaire de temps et d'habileté que d'autorité brutale.

Sa détermination à stopper le processus engagé n'en est pas moins évidente. D'autant qu'une nouvelle menace — la plus grave de toutes sans doute — apparaît : la contestation à l'intérieur même du parti, qui s'exprime pour la première fois à Torun lors d'une réunion de membres du POUP.

Moscou en fait le constat quelques semaines plus tard en dénonçant, par le biais d'une dépêche de l'agence Tass datée de Varsovie, la collusion entre certains éléments de Solidarité et une partie de la base du POUP qui, sous couvert de « renouveau » et de « démocratisation », voudrait véhiculer subrepticement des idées étrangères au marxisme-léninisme.

Défi

Mais Varsovie fait libérer les dirigeants de la Confédération pour la Pologne indépendante (KPN), mouvement nationaliste de droite très critiqué à Moscou. À ce nouveau défi, le Kremlin, qui appréhende de plus en plus des débordements lors du IXe Congrès du POUP (14-18 juillet 1981), réagit en adressant le 5 juin un message très ferme au comité central polonais. C'est un véritable réquisitoire contre la direction du POUP, accusée d'avoir « reculé sous les pressions de la contre-révolution interne, qui menace notre sécurité commune ».

Estonie

À la fois inquiètes des effets néfastes de l'affaire polonaise sur les milieux contestataires et assurées de la quasi-indifférence d'une opinion internationale braquée sur l'Afghanistan, puis sur les JO de Moscou, enfin et surtout sur Varsovie, les autorités soviétiques poursuivent systématiquement et avec efficacité leur lutte contre toutes formes de dissidence.

Le foyer le plus agité de ces derniers mois se situe dans les Républiques baltes, voisines de la Pologne, et notamment en Estonie où la police n'a jamais réussi à décapiter totalement l'opposition nationaliste. Fait rare : un millier d'ouvriers d'une usine de matériel agricole de Tartu, seconde ville de la République, se mettent en grève les 1er et 2 octobre 1980 pour demander une augmentation des primes et une diminution des cadences de production. Avec l'aval de Moscou, inquiet d'un tel mouvement, les revendications sont acceptées.

Une autre agitation se manifeste à la même époque : celle de milliers de jeunes qui, furieux de l'annulation d'un concert pop à Tallin, capitale de l'Estonie, manifestent à plusieurs reprises, agitant des drapeaux aux couleurs nationales et criant des slogans en faveur de l'« indépendance de l'Estonie » et contre « la domination russe ».

Nationalistes

Cent cinquante personnes sont interpellées, une trentaine arrêtée et des films pris par les services de sécurité sont projetés dans les lycées afin que les professeurs désignent ceux de leurs élèves qu'ils reconnaissent. Des perquisitions ont lieu chez plusieurs dissidents. L'un deux, Tiit Madisson, est condamné en mai 1981 à quatre ans de travaux forcés.