C'est exactement pourquoi Deng Xiaoping, son dernier titulaire avant la Révolution culturelle, le fait rétablir au profit de son ami de jeunesse, Hu Yaobang.

Verrou

Après le parti, le gouvernement : en septembre devant l'Assemblée nationale, Hua Guofeng accepte de céder lui-même son poste de Premier ministre au tout nouveau membre du bureau politique, Zhao Ziyang. Après le parti et le gouvernement, l'armée semble moins facile à investir ; mais, en mars 1981, à la faveur d'un remaniement, Geng Biao ouvre une brèche en devenant ministre de la Défense.

Cependant, d'après la Constitution, le chef suprême de l'armée reste le président du parti. Dernier verrou que Deng veut faire sauter en obtenant la démission du président Hua lors d'un nouveau plénum du comité central, souvent annoncé et finalement prévu pour juin 1981.

En attendant, Hua inaugure les chrysanthèmes et n'apparaît en public que trois fois en six mois : en février 1981 pour présider le banquet du Nouvel An, en avril pour les obsèques de l'écrivain Mao Dun, et lors de la fête du 1er-Mai.

Le début de cette apparente préretraite (novembre) coïncide avec une autre opération destinée à faire comprendre aux derniers maoïstes nostalgiques que la page est tournée et qu'il est grand temps de se rallier : le procès historique de la Bande des quatre, qui doit être suivi de plusieurs dizaines d'autres, dont celui d'un neveu du défunt président, Mao Yuanxin.

Le prestige de Mao Zedong lui-même n'en est que partiellement atteint. Même le procureur, qui accable sa veuve Jiang Qing, juge les erreurs de Mao « secondaires », ses succès « capitaux » et ses contributions « inoubliables ».

Dès le mois d'août 1980, ses portraits géants, sauf un, sont retirés de la place Tien Anmen, à Pékin, en même temps, il est vrai, que ceux de Marx, Engels, Lénine et Staline remplacés par des panneaux publicitaires. En septembre, le 4e anniversaire de sa mort est passé sous silence et son mausolée fermé, alors que, l'année précédente, 15 000 fidèles ont défilé devant sa momie.

En revanche, le 26 décembre, toute la presse marque le 87e anniversaire de sa naissance, en publiant l'une de ses vieilles lettres inédites, datée de 1937 : de sa grotte de Yenan, il refuse à un cousin de le pistonner, prône le militantisme désintéressé et affirme : « Nous sommes tous égaux. »

Ainsi continue-t-on à le présenter sous un jour favorable, et même on l'utilise comme référence pour condamner implicitement les privilèges encore très actuels dont bénéficient des familles de cadres de tout rang.

Plus significatif est le long témoignage publié en avril 1981 par la revue Pékin-Information d'un vétéran septuagénaire, ancien ministre de la Défense et numéro un de l'armée, Huang Kecheng.

Mort à crédit pour la veuve Mao

Un tonnerre d'applaudissements salue le verdict du double tribunal spécial jugeant la veuve du président Mao Dzedong, Jiang Qing et ses 9 coaccusés : un tribunal militaire pour la clique de Lin Biao (5 sexagénaires, anciens chefs suprêmes de l'armée, reconnus complices de tentatives d'attentat contre Mao pour s'emparer du pouvoir) et un tribunal civil pour la clique de Jiang Qing, dont un vieillard de 76 ans qu'on doit porter dans le box, soutenu par des piqûres, avant de le pousser dans une chaise roulante, Chen Boda, secrétaire du président Mao lui-même. Les autres sont la fameuse Bande des quatre : Jian Qing et les 3 chefs du clan de Shanghai, Zhang Chun-qiao, principal complice, Wang Hongwen et Yao Wenyuan. Tous accusés d'être les responsables de dix années jugées aujourd'hui « catastrophiques », entre 1966, début de la Révolution culturelle (Journal de l'année 1966-67), et 1976, année de leur arrestation au lendemain de la mort de Mao (Journal de l'année 1976-77) : émeutes sanglantes, abus d'autorité, usurpation du pouvoir suprême, dénonciations mensongères, arrestations multiples, tortures physiques et morales, parfois jusqu'à la mort de dizaines de milliers de victimes, dont certains anciens compagnons de jeunesse que Jian Qing aurait tenté de faire supprimer (en réussissant parfois) pour en finir avec son passé de starlette peu flatteur pour son destin « impérial ». Une veuve, seule survivante de sa famille, en vient à traiter de « salope » Jian Qing qui se rebiffe, insulte des témoins qui pleurent à la barre, insulte même le tribunal (traîtres... « criminels à la solde du Guomindang »...), crie des slogans révolutionnaires lorsqu'elle est expulsée par les gardes qui lui passent les menottes, etc., et finit par lire un poème pour sa défense, dans la tradition des procès impériaux. Zhang Chunqiao, lui, ne prononce qu'une seule phrase : « Je refuse l'acte d'accusation », avant de rester muet jusqu'à la fin. Les trois autres reconnaissent leurs « erreurs » (plutôt que leurs crimes) ou même font leur mea culpa en chargeant parfois leurs coaccusés. Par ce procès soigneusement mis en scène, le nouveau régime de Deng Xiaoping règle ses comptes, mais tente aussi de prouver qu'il veut en finir avec la justice expéditive dite populaire. Après quatre années d'instruction, l'agence Chine nouvelle souligne une statistique : 873 preuves vérifiées ; l'acte d accusation fournit aux accusés dix jours avant leur comparution ; le procès étalé sur plus de deux mois (20 novembre 1980-25 janvier 1981) pendant les 42 audiences ; un défilé de 49 témoins et, pendant la lecture qui dure plus d'une heure et demie d'un acte d'accusation de 14 000 caractères, sont invoqués 14 articles du tout récent Code pénal, le premier. La plus extraordinaire innovation est la présence de la télévision dans le prétoire et la diffusion dans le monde entier d'extraits d'audiences évidemment choisis par les dirigeants politiques, mais qui permettent malgré tout de constater que le légalisme balbutiant donne plutôt la parole à l'accusation qu'à la défense. Opération de relations publiques à usage interne aussi : bien que son adresse à Pékin reste secrète, le prétoire est ouvert à un vaste public soigneusement sélectionné. Sur les gradins de cette salle de spectacle de 880 places se succèdent 60 000 invités hostiles aux accusés, délégués civils et militaires de toutes les provinces où ils sont retournés pour porter témoignage. Avec parfois, dans la foule anonyme, une vedette incognito. Exemple, la veuve de l'ex-président Liu Shaoqi, victime réhabilitée de la Révolution culturelle.

Les verdicts

– Jiang Qing (67 ans) : peine de mort différée de 2 ans et transformée, à l'échéance, en prison à perpétuité si la condamnée en est jugée digne. Privation à vie de tous ses droits politiques.