L'Égypte est devenue en 1980 le premier bénéficiaire au monde de l'aide US, qui atteint 1,5 milliard de dollars ! Le FMI y ajoute 350 millions de dollars pour l'exercice budgétaire 1979-1980. Les autres pays occidentaux ne sont pas en reste. Quarante-cinq banques étrangères — surtout américaines et européennes — se sont implantées en Égypte de 1974 à 1979. Et les autorités du Caire, désireuses de profiter au maximum de ces bonnes dispositions, ont lancé en juillet 1979 un appel d'urgence aux 7 Grands occidentaux pour obtenir une aide de 18,5 milliards de dollars en 5 ans.

La France, qui est devenue en 1979 le deuxième fournisseur de l'Égypte avec près de 3,7 milliards de F d'exportations, a décidé en octobre 1979 de lui accorder un crédit de 580 millions de F, qui est porté à 1 milliard de F pour 1980. Quarante industriels et banquiers français se rendent en mission au Caire du 1er au 8 février 1980. Parmi les projets examinés : la construction d'un métro dans la capitale et, surtout, la rénovation du réseau égyptien de télécommunications. Le contrat, qui porte sur 8 milliards de F, a été arraché de haute lutte en septembre 1979 par Thomson, associé à la firme ouest-allemande Siemens.

L'injection de fonds et de technologie occidentaux, qui se greffe sur une conjoncture assez favorable, commence à porter ses fruits. Le PNB a augmenté de 9 %, selon le FMI. Le canal de Suez rapporte, en 1979, 500 millions de dollars, soit 150 millions de plus qu'en 1978. Des travaux d'élargissement entrepris en 1980 permettront le transit de pétroliers géants. Alors que la production pétrolière franchit en 1979 le cap des 25 millions de t par an, dont plus de la moitié est exportée, la première mine d'uranium est ouverte en janvier 1980, dans le désert oriental.

Gendarme de l'Occident

Le second volet — militaire — de l'offensive de charme du président Sadate en direction des États-Unis semble promis à un succès aussi spectaculaire. Pour les fournitures d'armement US, Le Caire a presque atteint la parité avec Tel Aviv. Un protocole militaire égypto-américain est signé le 21 octobre 1979. Washington contribuera au développement de l'industrie militaire sur les bords du Nil, notamment en participant à la fabrication de fusées, de chenillettes blindées, de pièces de rechange. Peut-être aussi d'avions F5 et d'hélicoptères Bell. L'Égypte exportera, de son côté, des pièces détachées destinées à l'armée US.

L'initiative la plus spectaculaire est l'annonce faite en février 1980 par le président Carter de son intention de livrer au raïs, malgré les réticences israéliennes, des avions F15.

À l'issue d'une visite au Caire, le 25 février, du directeur des études du Pentagone, Washington porte de 1 à 4 milliards de dollars le montant de l'aide militaire destinée à l'Égypte au cours des cinq prochaines années. C'est dans le but d'étudier l'utilisation de cette somme — notamment pour l'achat de 250 chars lourds M60, 40 avions de combat F16, 35 chasseurs bombardiers F4E Phantom et batteries de missiles antiaériens Hawk — que le président Sadate s'entretient, le 10 avril, à Washington, avec le secrétaire à la Défense, Harold Brown.

Pour renforcer l'entente cordiale avec Washington, justifier le réarmement accéléré de son armée, restituer à l'Égypte son rayonnement régional, le raïs cherche à assumer le rôle de gendarme de l'Occident. Au Soudan, en Somalie et à Oman, au Tchad, au Zaïre et au Maroc, Le Caire livre des armes ou envoie des experts militaires chargés de lutter contre la subversion. Les commandos égyptiens entraînent aussi, depuis février 1980, les rebelles anticommunistes afghans. Sadate propose aux États-Unis à deux reprises, en décembre 1979 et en janvier 1980, des facilités portuaires. Et des avions de reconnaissance US AWACS, servis par 250 experts, utilisent la base aérienne de Kenna en Haute-Égypte.

Politiquement, le raïs s'efforce de démontrer à Washington que son régime est stable, fidèle à ses amitiés et respectueux de la parole donnée. C'est le sens de l'accueil réservé fin mars, au Caire, au chah d'Iran. La construction au cœur de la capitale égyptienne d'une immense ambassade US de 20 étages, qui sera achevée en 1983, illustre bien la lune de miel avec les États-Unis.

Patienter

Mais l'alliance américaine commence seulement à donner des résultats. L'armée égyptienne, surtout équipée d'armements soviétiques inopérants faute de pièces de rechange, est encore au milieu du gué. L'aide économique occidentale sert en partie, pour le moment, à régler la dette extérieure (11 à 12 milliards de dollars, sans compter les créances soviétiques). L'inflation et le chômage, accentués par une démographie galopante (763 habitants au kilomètre carré dans la partie habitée du pays) sont loin d'être jugulés. La pax americana bute sur l'intransigeance du Premier ministre israélien Menahem Begin, qui autorise la poursuite des implantations juives en territoires occupés, approuve un projet de loi fondamentale tendant à faire de Jérusalem la capitale éternelle de l'État hébreu et va jusqu'à menacer, le 30 mai 1980, d'ajourner la phase finale de la restitution du Sinaï à l'Égypte, prévue pour l'année 1982.