Aux violentes protestations que suscite, dans une bonne partie du monde, cette intervention, Moscou oppose un front apparemment serein. C'est au nom du traité d'amitié et de coopération qui la lie à l'Afghanistan depuis décembre 1978 qu'elle est venue à son secours, « l'impérialisme ayant déclenché avec ses complices (la Chine) une guerre non déclarée contre ce pays ». A chaque occasion, Leonid Brejnev et toute l'équipe dirigeante vont développer cette argumentation, tentant ainsi de passer du rôle d'accusés à celui d'accusateurs.

Au fil des mois, l'URSS trouve sur le terrain une situation de plus en plus difficile. En dépit d'effectifs en constante augmentation (environ 100 000 hommes en juin 1980, 5 000 chars et véhicules blindés, ainsi que des missiles à moyenne portée), l'armée est en butte à une opposition de plus en plus généralisée de la population.

Après un silence presque total, la presse soviétique commence à reconnaître, à partir de mai, que l'armée rouge se heurte à des difficultés. Mais rien n'est dit sur le nombre des victimes. Bien que sous-informée, la population soviétique sait pourtant, par le témoignage des familles de soldats, que c'est une guerre qui coûte cher, que c'est une guerre qui tue. Selon le Département d'État américain, les Soviétiques auraient, depuis le début de leur intervention jusqu'à la mi-avril, « au moins 8 000 tués ou blessés ».

Bien qu'enlisée dans un bourbier de type vietnamien l'URSS ne semble pourtant pas prête à composer. En mars, alors que la France demande à Moscou un « calendrier sur le retrait de ses troupes », le Soviet suprême ratifie avec Kaboul un accord sur « la présence temporaire » de l'armée rouge en Afghanistan, officialisant ainsi son implantation par un texte juridique. Le retrait de certaines unités, annoncé le 22 juin par l'agence Tass, ne bouleverse en aucune manière les données du problèmes.

Boycottage

Pour les dirigeants soviétiques qui, malgré les difficultés rencontrées, semblent se refuser à un quelconque recul, un règlement négocié est la seule solution. Évidemment inspiré par le Kremlin, Babrak Karmal propose le 14 mai, un plan de règlement politique garanti par l'URSS et les États-Unis. Leonid Brejnev relance le 27 mai ces propositions. Une semaine plus tard, Gromyko, recevant son homologue indien, reprend la même formule.

De toutes les réactions enregistrées après le 27 décembre 1979, celle des États-Unis est la plus violente. Washington, qui avait déjà, à plusieurs reprises lors du second semestre 1979, mis en garde l'URSS sur le soutien militaire qu'elle apportait à l'Afghanistan, dénonce dès le 28 décembre « l'ingérence grossière de Moscou » et assure qu'elle ira « au-delà des mesures symboliques » pour riposter à l'intervention soviétique.

De fait, Jimmy Carter, après avoir demandé au Sénat d'ajourner le débat sur la ratification de l'accord Salt-2, annonce le 4 janvier 1980 l'embargo sur la majeure partie des livraisons de céréales et l'interruption de fourniture de matériels à haute technologie (notamment pour le forage pétrolier). Le 20 janvier, il met à exécution la menace qu'il avait fait planer dès le 4 : il lance un appel en faveur du boycottage des jeux Olympiques si les troupes soviétiques ne se sont pas retirées, au plus tard le 20 février.

Dégradation

L'ultimatum est vain, mais l'appel, quoique semant la division chez les Occidentaux et provoquant un malaise chez de nombreux sportifs, est largement suivi d'effet. Plus de 60 pays ne seront pas représentés et, au lieu des 300 000 touristes attendus à Moscou, on n'en escompte plus que 75 000.

Moscou ressent ces décisions comme un affront, et la presse se déchaîne contre Washington. « La détente est morte, Jimmy Carter en est l'unique responsable » commente la Pravda du 28 janvier. Le même journal écrit en mars : « L'URSS ne restera pas passive face aux actions de Washington dirigées contre sa sécurité. » Ce n'est pas la rencontre Gromyko-Muskie le 16 mai à Vienne qui améliore de façon notable les relations. On lit peu après dans une dépêche de l'agence Novosti : « Le tissu de la coopération entre les États-Unis et l'URSS a été impitoyablement déchiré dans tous les domaines par J. Carter. »