Les perspectives pour la récolte de 1980 ne permettent pas d'augurer une amélioration sensible de la situation. La décélération de la croissance industrielle est tout aussi notable. La mauvaise productivité du travail (2,4 % au lieu de 4,7 %) en est l'une des raisons principales. La production a diminué dans presque tous les secteurs de la sidérurgie, de la chimie et de la pétrochimie, des constructions mécaniques. « Pourquoi, s'interroge L. Brejnev lors du plénum de novembre, a-t-on investi de l'argent dans la construction d'usines si on n'était pas sûr qu'elles pourraient fonctionner ? »

Inflation

Le bilan n'est pas meilleur pour la construction des logements : – 3,8 %. Même constat pour les objets de consommation courante. Beaucoup de produits manquent sur le marché, que L. Brejnev énumère : médicaments ordinaires, savon, brosses à dents, pâte dentifrice, lessive, fils, aiguilles, la liste est longue.

Le salaire moyen mensuel au 1er juin 1979 est de 170 roubles (environ 1 100 F), mais, comme le souligne Alexandre Smirnov, l'un des responsables du Plan, « 50 roubles (environ 320 F) représentaient une somme autrefois importante, maintenant insuffisante ». C'est la reconnaissance de facto de l'existence d'une forme d'inflation, qui se manifeste notamment début juillet par de fortes hausses sur plusieurs produits : + 50 % pour les métaux précieux, les fourrures et les tapis ; + 45 % pour la bière ; + 30 % pour les meubles importés ; + 18 % pour les voitures de tourisme. Inflation qui se manifeste aussi dans l'accroissement de la masse monétaire. Les dépôts dans les caisses d'épargne dépassent actuellement 130 milliards de roubles, auxquels il faut ajouter les 70 à 80 milliards conservés dans les bas de laine.

Le commerce extérieur est le seul domaine où les objectifs du Plan sont dépassés. Son volume (80 milliards de roubles) a augmenté de 14 % par rapport à 1978. Mais la dette envers les pays occidentaux est également en progression. Elle représenterait près de 60 milliards de dollars pour l'ensemble des pays de l'Est, dont plus de 20 au débit de l'URSS.

Constat d'échec : le Xe Plan ne sera pas réalisé, d'autant plus que les objectifs du Plan 80 ont été révisés en baisse : 4 % d'augmentation pour le revenu national et 4,5 % pour la production industrielle, pourcentage inférieur de deux points aux prévisions faites en 1976.

Sakharov

Cet état de fait amènera-t-il les autorités à appliquer les réformes économiques périodiquement annoncées ? La dernière en date remonte à juillet 1979 et porte notamment sur l'amélioration des méthodes de planification et l'instauration de nouveaux stimulants matériels : avantages sociaux, primes, intéressement des travailleurs. Le calendrier de sa mise en application n'est toujours pas établi.

Convaincues qu'elles n'ont momentanément plus rien à perdre vis-à-vis de l'opinion publique internationale indignée par l'intervention en Afghanistan, les autorités soviétiques durcissent encore un peu plus leurs pressions sur les dissidents, qui s'étaient déjà renforcées lors du deuxième semestre 1979. À l'approche des jeux Olympiques, aussi compromis soient-ils par la décision de boycottage des États-Unis, l'objectif majeur est de réduire au silence presque complet les responsables des divers mouvements et les militants moins connus.

C'est ainsi que, peu soucieux de préserver une certaine image de marque et faisant fi de toutes précautions, les autorités s'en prennent en janvier au plus célèbre des porte-parole de la dissidence : Andreï Sakharov.

Il est interpellé le 22 janvier 1980 avec sa femme Elena Bonner et mis dans un avion à destination de Gorki, l'ancien Nijni-Novgorod, à 400 km à l'est de Moscou, où il est assigné à résidence. Le motif officiel : « empêcher tout contact avec la presse étrangère » ; il explique le choix de cette cité : la ville, ainsi que toute la région, est totalement interdite aux étrangers.

Désapprobation

Dans le monde, l'émotion est vive. À Washington et dans toutes les capitales occidentales, à Pékin, on condamne avec plus ou moins de violence une telle décision. La Maison-Blanche parle « d'affront au respect des droits de l'homme » et le gouvernement français souligne que cette mesure « contraire à l'esprit d'Helsinski constitue un signe inquiétant dans l'évolution internationale actuelle ». Le président de l'Assemblée nationale Jacques Chaban-Delmas, reçu par L. Brejnev le jour même de l'interpellation du prix Nobel de la paix, décide le lendemain d'interrompre son séjour en URSS et de rentrer à Paris. Même le parti communiste français, suivant en cela les autres PC occidentaux, exprime sa « désapprobation ».