La décision d'organiser des élections anticipées, qu'il considérait quelques jours plus tôt comme « une solution coûteuse politiquement, socialement et économiquement », a été prise par le chef de l'État pour sortir de l'impasse constitutionnelle. Peu après, il désigne Maria de Lourdes Pintasilgo, ambassadeur du Portugal auprès de l'UNESCO, pour former un gouvernement de gestion en attendant que les électeurs se prononcent.

Divisions

Le scrutin, fixé au 2 décembre, fait entrer le Portugal dans un long cycle électoral, puisqu'il ne se substitue pas aux élections législatives de septembre 1980, prévues par la Constitution, qui, elle-même, ne peut être transformée avant cette date. D'autre part, des élections municipales doivent se tenir le 16 décembre 1979, et un nouveau président de la République doit être désigné à la fin de 1980.

Face à la gauche divisée et qui paraît dédaigner cette consultation intercalaire pour une assemblée destinée à vivre moins d'un an, la droite constitue une Alliance démocratique regroupant, sous la houlette du turbulent et dynamique Francisco Sa Carneiro, le parti social-démocrate (PSD), le Centre démocratique et social (CDS) et le petit Parti populaire monarchiste (PPM). La coalition spécule sur le mécontentement de la population — le niveau de vie a régressé de plus de 10 % en trois ans, le taux de chômage frôle les 15 % — et sa lassitude de l'instabilité chronique, en désignant les coupables : le PS, qui a longtemps occupé le pouvoir, et le président Eanes, accusé de présidentialisme.

Il est trop tard lorsque le PC et le PS se reprennent et décident de se lancer dans la bataille. Le 2 décembre voit la victoire de l'AD, qui remporte deux sièges de plus que la majorité absolue. Si le parti communiste a gagné quatre points en recueillant 19,52 % des suffrages, le grand perdant est le parti socialiste, qui marque un recul de 8 % sur la précédente élection.

Inquiétude chez les militaires du Conseil de la révolution, qui craignent un néosalazarisme ; déception du parti de Mario Soares.

Les municipales du 16 décembre enregistrent un nouveau progrès de l'Alliance démocratique, qui rafle 45,33 % des suffrages et conquiert les mairies de Lisbonne, Porto et Coïmbra au détriment du PS, qui ne conserve que 59 des 155 conseils municipaux qu'il contrôlait, alors que le PC s'installe solidement dans la banlieue de la capitale.

C'est donc en vainqueur indiscutable, mais non moins discuté, que Sa Carneiro est investi, le 3 janvier, comme chef du gouvernement où, pour la première fois depuis le 25 avril 1974, aucun militaire ne figure.

Conflit

Au cours de la cérémonie, le président Eanes lui lance perfidement : « L'expérience que vous avez acquise au cours de plusieurs années d'opposition vous amène aujourd'hui à ne pas douter de l'extrême importance du débat politique à travers la presse et de l'usage que le gouvernement doit faire de ses moyens d'information pour expliquer ses décisions et rendre ainsi plus facile la critique. »

Très vite le conflit éclate entre les deux hommes, illustrant tout autant l'humeur coléreuse du leader social-démocrate que les ambiguïtés de la Constitution en ce qui concerne les compétences respectives du chef de l'État et de celui du gouvernement. Au nom de ses prérogatives, ce dernier s'oppose à la volonté du général Eanes de reconduire Maria de Lourdes Pintasilgo dans ses fonctions d'ambassadeur auprès de l'UNESCO, puis il refuse de présenter la candidature du colonel Melo Antunes, membre du Conseil de la révolution, au poste de secrétaire adjoint de l'ONU.

Les révélations faites le 4 mars par trois journaux de droite, selon lesquelles les militaires de gauche prépareraient un pronunciamiento, provoquent de violentes réactions de la part du Conseil de la révolution et de son président, le général Eanes, qui accusent le Premier ministre d'être à l'origine de ces fausses rumeurs.

Priorité

Les manières autoritaires et expéditives de Sa Carneiro exaspèrent également les partis de gauche et les syndicats, qui multiplient grèves, manifestations et marches de protestation contre la hausse du coût de la vie, conséquence de la politique d'austérité et de la lutte contre l'inflation.