Le gouvernement, en raison de l'énergique veto de son Premier ministre, se refuse à arbitrer le conflit. Au bout de trois mois, les syndicats acceptent celui d'une commission mixte présidée par lord Lever ; ils obtiennent une augmentation de salaire de : 11 %, à laquelle s'ajoute 4,5 % gagnés sur la productivité. Relative satisfaction, car le plan de restructuration reste hors négociation. L'épreuve de force a été coûteuse — BSC a perdu 1 milliard de livres—, mais Margaret Thatcher estime qu'elle a été gagnée.

Dans le climat de récession, les syndicats ont du mal à trouver un autre terrain de bataille. L'opposition travailliste est en plein désarroi. La gauche du parti, puissante à la base mais minoritaire dans les instances directrices, est passée à l'offensive, sous l'impulsion d'Anthony Benn, au congrès de Brighton en octobre 1979 : elle a obtenu deux réformes qui doivent lui assurer à l'avenir un meilleur contrôle sur le groupe parlementaire, jusque-là très indépendant, et sur la rédaction du programme du parti. Elle n'a pas réussi cependant à modifier les règles de la : désignation du leader, problème crucial au moment où s'ouvre la succession de James Callaghan, prévue pour le mois d'octobre 1980.

La tension redouble avec l'affaire du rapport Underhill sur les infiltrations trotskistes dans les syndicats et les différentes instances du parti. Sous la pression de la gauche, la direction du parti décide finalement d'interdire la publication du rapport.

Les clivages sont tels que l'éventualité d'une scission ou d'une sécession des modérés est de plus en plus ouvertement envisagée.

Avec une opposition aussi divisée, le front politique apparaît sans menace immédiate pour Margaret Thatcher. D'autant qu'elle enregistre avec le concours de lord Carrington, remarquable secrétaire au Foreign Office, des succès tangibles en politique étrangère.

Rhodésie

Héritage d'une décolonisation avortée, l'affaire rhodésienne — ouverte en 1967 par le coup de force des colons blancs à Salisbury — place depuis 13 ans la diplomatie britannique dans une ambiguïté embarrassante. Aucun gouvernement n'a voulu imposer une solution par la force ni pu négocier un règlement.

Au début de l'été, les circonstances apparaissent cependant plus favorables à une initiative : lassitude des combattants et des pays qui les soutiennent ; pressions du Commonwealth, dont la conférence se réunit justement à Lusaka, premières concessions des Blancs à Salisbury, qui ont accepté l'arrivée au pouvoir de modérés africains avec l'évêque Muzorewa. Le gouvernement britannique s'empare des atouts qui s'offrent à lui. Après un tour de table fructueux mené par Margaret Thatcher à Lusaka, c'est la conférence de Londres que dirige avec habileté lord Carrington.

L'accord qui en sortira après un dernier suspense, le 21 décembre 1979, donnera à Londres deux satisfactions : celle d'avoir présidé à un chef-d'œuvre de diplomatie qui fait l'admiration du monde entier ; celle aussi, plus nationale, de renvoyer à Salisbury un gouverneur britannique en la personne de lord Soames. Le temps de garantir un déroulement démocratique aux élections. Londres a eu le dernier mot. Margaret Thatcher en récolte le prestige.

Dossier européen

Plus européens que leurs prédécesseurs travaillistes, parés du souvenir d'Edward Heath qui avait fait entrer la Grande-Bretagne dans le Marché commun, les conservateurs sont accueillis avec faveur par leurs partenaires de la Communauté. Margaret Thatcher s'est toujours affirmée « pro-européenne » : mais, consciente des oppositions que rencontre toujours chez ses concitoyens la participation à la Communauté, partageant avec eux une vision de l'Europe sensiblement différente de celle des Français ou des Allemands, elle rouvre le dossier européen avec la ferme intention d'obtenir un statut plus « équitable » pour la Grande-Bretagne.

Une échéance importante la pousse à agir : le 1er janvier 1980 marque la fin de la période d'adaptation qui avait été consentie à la Grande-Bretagne. Les règles communautaires vont donc jouer dans toute leur rigueur, avec comme conséquence de porter la contribution britannique au budget communautaire au chiffre considérable de 1 milliard de livres pour 1980.