La parité obtenue par les francophones minoritaires (autant de ministres flamands que de ministres francophones, le Premier ministre étant considéré comme « asexué linguistique ») doit avoir comme corollaire pour les Flamands, majoritaires dans le pays, mais nettement minoritaires dans la capitale, une parité dans les organes de direction de cette région de rencontre des deux grandes communautés qu'est Bruxelles. Il n'est pas question de subordonner ce qu'ils estiment être le droit des Flamands à Bruxelles à de quelconques avantages linguistiques accordés ou simplement reconnus aux francophones habitant dans les communes flamandes de la périphérie de Bruxelles. Ce serait, à leurs yeux, étendre la tache d'huile de la francophonie en Flandre.

Les Flamands réclament « une régionalisation à deux » (Flamands et Wallons), Bruxelles devenant une région-capitale à part. Les francophones, aiguillonnés par les francophones bruxellois qui ont toujours soutenu le FDF fédéraliste, souhaitent une « régionalisation à trois ». Bruxelles serait une « région à part entière ». Les francophones sont disposés à reconnaître aux Flamands, dans la région de Bruxelles, des droits qu'ils estiment légitimes. Mais, d'une part, ils refusent à 20 % de Flamands l'égalité avec 80 % de francophones et, d'autre part, ils veulent des garanties sur le statut linguistique des francophones de la périphérie.

Les Fourons (communes à forte densité de francophones, rattachées au Limbourg flamand lors du vote des lois linguistiques de 1963) restent un sérieux point de frictions. Les francophones souhaitent leur retour à la province de Liège. Cette revendication est soutenue par tous les francophones. Mais, pour les Flamands, les Fourons doivent rester dans le Limbourg et les francophones vivant en terre flamande n'ont qu'à « s'adapter » au régime linguistique de la région. Si l'on devait revoir le statut des Fourons, disent les Flamands, il faudrait également revoir celui de la région de Mouscron-Comines, cédée à la Wallonie avec ses minorités flamandes.

« Promenades »

Des militants de groupes extrémistes flamingants (Flamands activistes) organisent régulièrement des promenades dominicales dans les Fourons (et une manifestation tapageuse à Comines) qui se transforment chaque fois en bagarres avec les activistes francophones et en affrontements avec les policiers. De semaine en semaine, les accrochages deviennent plus sérieux malgré les interdictions de manifester, et même de se rassembler. La promenade du 9 mars fait deux blessés graves par balles. Un francophone a tiré au fusil sur un groupe de flamingants qui, assure-t-il, menaçaient sa ferme.

Arrêt de mort

Politiquement, l'arrêt de mort du gouvernement Martens est signé lors du congrès du CVP, le 16 décembre. L. Tindemans y est plébiscité à la présidence par près de 94 % des voix. Les militants y affirment avec force deux principes : Bruxelles doit devenir une région-ville entre les deux grandes communautés, et la « phase transitoire et irréversible » de la réforme des institutions en cours de discussion ne pourra en aucune façon hypothéquer la « phase définitive ».

La netteté et la dureté des exigences du CVP entraînent une réaction du front des francophones. Les présidents des partis francophones passent entre eux un accord tendant à protéger les intérêts des francophones au cas où la majorité flamande exercerait un droit de veto sur les ordonnances régionales bruxelloises ou wallonnes. Cet accord est mal accepté par les Flamands. W. Martens tente de transiger. Mais il est obligé de considérer les trois ministres FDF, Lucien Outers, Léon Defosset et François Persoons, comme démissionnaires.

Le gouvernement perd la majorité spéciale requise à la Chamore pour faire voter les projets communautaires. W. Martens renforce son équipe en faisant appel à Cécile Goor (PSC), à André Baudson (socialiste wallon) et à André Degroeve (socialiste bruxellois) : le gouvernement Martens II est né.

Le CVP obtient quelques concessions supplémentaires des socialistes et sociaux-chrétiens restés au gouvernement. Pourtant, lors de la présentation au Sénat des textes communautaires, huit sénateurs CVP refusent de voter le projet de réforme transitoire, et, à cinq voix près, le gouvernement ne réussit pas à obtenir la majorité requise des deux tiers.