Lancée avec de puissants moyens militaires, une attaque libyenne, amorcée dès mai selon les autorités de N'Djamena, permet aux rebelles du Frolinat et à leurs alliés du moment de progresser rapidement vers le Sud. Il faut l'intervention directe des troupes françaises et des avions Jaguar pour stopper le déferlement libyen (Journal de l'année 1977-78).

De même, les espoirs de réconciliation nationale qu'avait fait lever l'accession d'Hissène Habré (ancien geôlier de Françoise Claustre et ancien adversaire du général Malloum) au poste de Premier ministre se dissipent en quelques semaines. Immédiatement après la constitution de son gouvernement d'union nationale, Habré, qui dénonce pourtant l'expansionnisme de Kadhafi alors qu'il avait fait un long bout de chemin avec les Libyens, est accusé d'être « un agent de la France ». Son autorité est aussitôt contestée et, surtout, il entre très rapidement en conflit avec le chef de l'État, qui lui reproche de pratiquer une politique tribaliste et régionaliste.

Éclatement

La situation se détériore brutalement en février 1979, et le Tchad est menacé d'éclatement. Des rumeurs de coup d'État circulent avec insistance, tandis qu'à Abéché, dans l'est du pays, des partisans du Premier ministre se livrent à de graves exactions contre les éléments non musulmans de la population. Les désordres gagnent N'Djamena qui, à son tour, bascule progressivement dans le chaos. Les forces de gendarmerie, commandées par le lieutenant-colonel Kamoungue, attaquent la résidence du Premier ministre, et plusieurs centaines de civils trouvent la mort au cours des combats. Quatre ressortissants français sont tués et, le 15 février, la France décide d'envoyer 150 soldats en renfort.

Dans une capitale coupée en deux, les troupes françaises ne peuvent pas imposer de véritable cessez-le-feu. Elles se contentent donc d'empêcher des affrontements trop directs entre les troupes fidèles au Premier ministre Hissène Habré et celles qui continuent d'appuyer le président Malloum. Mais ce dernier doit finalement se résigner à abandonner le pouvoir et à s'exiler au Nigeria le 23 mars 1979.

Petit à petit, Hissène Habré s'assure le contrôle de la capitale, et un exode spectaculaire lance sur les routes du sud du pays des milliers de personnes originaires de cette région qui redoutent des représailles de la part des Nordistes. L'affrontement entre le pouvoir central et la rébellion passe d'ailleurs au second plan, tandis que le fossé qui ne cesse de s'agrandir entre les populations du Nord et celles du Sud préoccupe, à juste titre, ceux qui entendent préserver à tout prix l'unité du pays.

Tandis qu'une solution de type fédéral est un moment envisagée afin de calmer les esprits, de nombreux leaders, dont le Dr Abba Siddick, chef du Frolinat originel, condamnent cette formule. À plus forte raison, le projet de création d'une hypothétique république du Logone, qui permettrait au Sud de proclamer son indépendance et de faire sécession, est-il unanimement rejeté.

Cependant, la population autochtone, traumatisée par les brutalités perpétrées dans la capitale contre les Sudistes et excitée par certains éléments extrémistes, se livre à des massacres contre la minorité musulmane installée dans le Sud. À Sarh (anciennement Fort-Archambault) et à Moundou, des centaines de musulmans sont tués après avoir été lynchés, souvent avec la complicité tacite des forces armées et de la gendarmerie.

Des milliers de Tchadiens cherchent refuge en Empire centrafricain, tandis que, le 6 mai, le lieutenant-colonel Kamoungue, tenu pour partiellement responsable des massacres de Nordistes, est relevé de ses fonctions. Considéré comme l'un des principaux zélateurs de la république du Logone, l'ancien chef de la gendarmerie organise la résistance au pouvoir central dans le Sud, devenu le siège d'une nouvelle rébellion, et cherche un appui auprès du gouvernement libyen.

Vide politique

Après avoir soutenu les dirigeants du Frolinat, le colonel Khadafi change d'allié, et, à deux reprises au moins, on souligne la présence à Moundou, les 14 et 21 avril 1979, d'un Mystère 20 libyen transportant émissaires et armes.