Anniversaire à la fois nostalgique des grandeurs éteintes et singulièrement confiant. Certes, Londres aujourd'hui ose à peine interdire le territoire britannique à un Amin Dada, parce qu'il faut ménager l'Afrique et le monde. Mais la monarchie est solide. Le royaume n'est plus le seul homme malade de l'Europe. Il a même de sérieux espoirs pour l'avenir.

Pétrole

« Nous avons désormais une chance de remédier à l'indiscutable déclin qui a marqué ces dernières années. » J. Callaghan, qui assume depuis avril 1976 la lourde succession de Harold Wilson à la tête du gouvernement et du parti travailliste, étaie sa conviction sur quelques solides arguments. Des chiffres, bien sûr, mais aussi une réalité maintenant tangible : le pétrole de la mer du Nord qui, dès cette année, devrait couvrir le tiers des besoins britanniques, et, dans trois ans, sa totalité. Un « bonus », comme dit le Premier ministre, de 30 à 40 milliards de F par an.

Le présent, toutefois, reste sombre. James Callaghan le sait plus que tout autre, lui qui a accumulé, en cette première année de pouvoir, les épreuves et les expériences décevantes.

La livre

L'été 1976 s'annonce calme, même encourageant. Mais très vite la spéculation contre la livre reprend, avec une violence sans précédent. Les cours s'effondrent : le 25 octobre, la livre vaut moins de 8 F, et le bruit court qu'elle tombera à 1,5 dollar (7,5 F). Français et Européens se ruent vers Londres en quête de bonnes affaires. La monnaie britannique a perdu 50 % de sa valeur en 5 ans.

Force est de recourir de nouveau à l'aide internationale. Cette fois de manière massive. Le Fonds monétaire international accepte d'intervenir, mais il pose ses conditions : ses experts épluchent les comptes du royaume et imposent de strictes mesures d'économie dans les dépenses publiques (8,5 milliards de F en 1977, 12 milliards en 1978). À ce prix, il accorde un prêt considérable à la fin de 1976 : 3 900 millions de dollars, auxquels viendront s'ajouter des concours divers, américains (500 millions de dollars de la Banque fédérale) et européens. La livre se stabilise, remonte un peu, mais les hypothèques sont lourdes.

Malaise social

Le contrat scellé avec les syndicats en 1975, reconduit en juillet 1976, est dans l'ensemble respecté : les hausses de salaires sont effectivement limitées à 7,5 %, les grèves sont moins nombreuses. Mais les sacrifices, consentis aussi bien par la classe ouvrière que par les cadres frappés par une fiscalité rigoureuse, semblent de moins en moins supportables ; parce que l'inflation est restée plus forte que ne l'avait promis le gouvernement (16,6 % au lieu de 10 %), parce que le chômage reste à un niveau record, parce qu'enfin la Grande-Bretagne est le seul pays de la Communauté où le niveau de vie a officiellement baissé de 3 % en 1976.

La révolte latente explose, ici et là, en des conflits sauvages comme chez Leyland en mars 1977 (3 semaines) ou dans l'aviation civile en avril. Dans les deux cas, les leaders syndicaux, qui, fidèles à leurs engagements, prêchent la modération, sont contestés par la base. Leurs conseils ne sont pas suivis, leurs ordres sont ignorés. Les négociations en vue du renouvellement du contrat social s'engagent ainsi dans un climat difficile.

Racisme

Autre point de tension sociale : les travailleurs immigrés et le regain de racisme. Deux millions de non-Blancs (en particulier, des Antillais, des Indiens et des Pakistanais) vivent au Royaume-Uni, dont 40 % dans 4 grandes villes. Bien que certaines limitations aient été imposées à l'immigration en raison de la crise économique, la Grande-Bretagne ouvre en principe ses frontières et son marché du travail à tous les citoyens du Commonwealth. Ce qui crée des tensions que l'aggravation du chômage n'a fait qu'accentuer, situation que des mouvements d'extrême droite se chargent d'exploiter. Le 30 août 76, un carnaval jamaïquain à Nottinghill, dans le nord de Londres, dégénère en émeute : 450 blessés, dont 325 policiers, des dizaines de magasins pillés. Le gouvernement réagit avec vigueur. Mais il n'envisage pas moins une réforme de la nationalité britannique : celle-ci serait désormais réservée aux Britanniques de souche, ce qui exclurait de ses bénéfices les 950 millions de citoyens du Commonwealth.

Majorité

La cote des travaillistes ne cesse de baisser. Les neuf élections partielles qui jalonnent l'année (et dont cinq se soldent par la victoire de l'opposition) ont fait apparaître un glissement de voix en faveur des conservateurs d'au moins 10 % par rapport à 1974. Le gouvernement n'a plus la majorité aux Communes, et ses troupes continuent à être tiraillées entre une droite modérée et une gauche qui ne désarme pas.