Léo Tindemans constitue son gouvernement de coalition avec la participation des partis les plus importants de chaque région. Mais nouveau coup de théâtre le 2 juin. Quatre ministres PSC refusent de prêter serment, provoquant ainsi une mini-crise de vingt-quatre heures. Après quarante-sept jours de tractations. Léo Tindemans réussit son pari. Son habileté lui permet de maintenir le fragile équilibre de son gouvernement, nommé sous condition suspensive, qui obtient la confiance de la Chambre le 9 juin, par 165 voix contre 33 et 3 abstentions.

Ce gouvernement résulte de l'évolution qui s'est faite au cours des dernières années. Les Belges ont vécu en 1976 sous le coup des émotions politiques répétées. Le gouvernement Tindemans a connu quelques secousses néfastes et s'est lentement dégradé. L. Tindemans, lui-même social-chrétien flamand (CVP), dirigeait une coalition des sociaux-chrétiens flamands et francophones (CVP et PSC), des libéraux flamands (PVV) et wallons (PLP, qui est devenu le PRLW) et du Rassemblement wallon (RW).

Régionalisation

Ce dernier parti n'avait rejoint l'équipe du pouvoir que pour lui permettre de traduire dans les faits une régionalisation définitive qu'il espérait de tous ses vœux. Ses représentants au gouvernement ont assez rapidement pu imposer la mise en application d'une régionalisation provisoire fondée sur la décentralisation administrative. Mais le gouvernement n'a pas été capable de trouver un accord pour réaliser le fameux article 107 quater qui inscrit dans la Constitution le principe de l'existence de trois régions : la Wallonie, la Flandre et Bruxelles.

C'est le problème des limites de l'agglomération bruxelloise qui constitue toujours la pomme de discorde entre Flamands et francophones. Les Flamands sont soucieux de protéger leur intégrité culturelle ; ils l'estiment menacée par ce qu'ils ont appelé la « tache d'huile », c'est-à-dire l'installation en terre flamande, à la périphérie de la capitale, des francophones, et veulent enfermer Bruxelles dans les limites de ses dix-neuf communes actuelles. Pour les francophones bruxellois (80 % environ de la population de la capitale), ces limites sont ressenties comme un carcan : ils voudraient annexer à Bruxelles, en se fondant sur le libre choix individuel des habitants de ces lieux, les communes ou parties de communes de la périphérie où les francophones sont majoritaires. Ce problème reste le point sensible de toute négociation entre les deux communautés et il finirait bien par faire oublier que l'enjeu de la régionalisation, c'est la définition de nouvelles structures institutionnelles et d'un nouveau pacte fondamental entre les Belges. Il s'agit de fonder la vie en commun à l'intérieur des frontières nationales sur une large autonomie politique, économique et culturelle des régions.

Plans

Depuis bientôt vingt ans, on discute de la meilleure façon de régler la question des rapports entre les communautés. Cette fois, il semble que le fruit soit suffisamment mûr. En juillet 1976, les partis se préparent à une reprise du dialogue de communauté à communauté. Le Parti socialiste belge (relégué dans l'opposition) parvient à réunir en son sein une forte majorité (785 mandats contre 28 et 50 abstentions) pour voter un plan de régionalisation, basé sur un accord passé en 1974 avec la FGTB, syndicat socialiste (Journal de l'année 1973-74). Ce plan reçoit l'approbation des Wallons, des Flamands et des Bruxellois. Les socialistes font ainsi, au sein de leur parti, la preuve qu'il est possible de trouver un terrain d'entente entre représentants des trois communautés. Leur parti est aussi le seul qui soit resté structuré au niveau national, bien qu'il ait dû se donner deux co-présidents et qu'il n'ait pu empêcher les socialistes flamands et francophones à Bruxelles de présenter des listes électorales distinctes. Les sociaux-chrétiens se divisent en deux partis, l'un flamand, l'autre francophone. Les libéraux, eux, sont fractionnés en trois. Les autres partis n'ont jamais été nationaux, sauf le Parti communiste, qui Compte peu sur le plan de la représentation parlementaire. La Volksunie est née du nationalisme flamand. Le Rassemblement wallon exprime les revendications institutionnelles des fédéralistes wallons. Le FDF enfin, parti frère du RW, est né de la protestation des francophones bruxellois. On comprend dès lors mieux que, ayant pris connaissance du résultat du vote au congrès socialiste, L. Tindemans, Premier ministre, ait déclaré : « C'est un fait nouveau et heureux ! »