Les succès enregistrés par les insurgés kurdes dans le nord de l'Iraq n'avaient pas manqué d'alimenter une certaine effervescence parmi les six millions de Kurdes qui vivent en Iran. L'effrondrement de la rébellion, provoqué par l'arrêt brutal de l'aide multiforme que fournissait Téhéran aux maquisards du général Barzani, permet au chah d'étouffer dans l'œuf le mouvement autonomiste qui prenait forme dans ses provinces kurdes.

Le souverain tire d'autres avantages de l'accord d'Alger : les dirigeants de Bagdad lui concèdent un nouveau tracé de frontières terrestres et fluviales, selon ses vœux, et s'engagent à ne plus permettre que leur territoire serve de sanctuaire aux membres de l'opposition iranienne. Mieux, ils cessent de mener campagne contre les « ingérences » de Téhéran dans le golfe et s'appliquent encore à coordonner leur action avec celle du chah en vue d'exclure de la région « les influences étrangères ». Par le biais de l'accord d'Alger, le souverain iranien réalise ainsi l'un de ses principaux objectifs, à savoir le relâchement des liens entre Bagdad et Moscou.

Équilibre

Le chah tente de maintenir son pays à égale distance des deux supergrands. Il se rend en URSS du 18 au 20 novembre 1974 et aux États-Unis du 15 au 18 mai. Le 25 février, un protocole d'accord de coopération économique, portant sur trois milliards de dollars, est conclu avec l'URSS ; le 4 mars, la commission économique irano-américaine fixe la valeur des échanges entre les deux pays à 15 milliards de dollars pour cinq ans. Au cours de ses déplacements à l'étranger, le chah ne cesse de prôner la coopération régionale comme moyen de consolider l'indépendance nationale des États.

C'est le thème qu'il développe lors d'une tournée accomplie, en septembre-octobre 1974, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Indonésie, à Singapour et en Inde, ainsi qu'au cours de ses visites en Amérique du Sud, en mai 1975.

Le rapprochement avec l'Europe, la France en particulier, constitue un moyen de diversifier les relations économico-politiques de l'Iran. La visite qu'entreprend à Téhéran le Premier ministre français Jacques Chirac se solde par la signature d'importants contrats prévus par des accords antérieurs. L'Iran adopte le procédé Secam de télévision en couleurs. Il ouvre un crédit d'un milliard de dollars au Commissariat de l'énergie atomique, concrétisant ainsi sa participation au financement de l'usine européenne de diffusion gazeuse pour la production d'uranium enrichi à Tricastin, dans la Drôme. Jacques Chirac évalue à plus de 10 milliards de dollars les contrats conclus et ceux en négociation.

Jean-Pierre Fourcade, ministre de l'Économie et des Finances, annonce le 7 mai, à l'issue de pourparlers à Téhéran, que l'Iran s'est engagé à passer au moins 2,5 milliards de dollars de commandes en France en 1975, soit deux fois et demi plus qu'en 1974.

Malgré tout, les États-Unis demeurent les partenaires privilégiés de l'empire des Pahlevi. L'accord-cadre conclu à Washington le 4 mars est, selon les termes du secrétaire d'État américain Henry Kissinger, « le plus vaste de ce genre passé entre les États-Unis et un pays étranger ». Les échanges, qui devraient atteindre, sur une période de cinq ans, les 15 milliards de dollars, dépasseront le total des programmes de coopération déjà négociés par Téhéran avec l'ensemble des pays industrialisés de l'Europe occidentale.

L'accord du 4 mars prévoit l'achat de 6 à 8 centrales nucléaires, pour 5 milliards de dollars environ, d'armements pour un montant identique et divers produits industriels. Les États-Unis participeront à la réalisation de grands projets industriels, parmi lesquels figurent la construction de 100 000 appartements et de 5 hôpitaux, le développement du réseau routier, l'établissement d'une industrie électronique, la création d'un grand port, etc.

Liens

L'équipement du réseau téléphonique du pays, que des firmes françaises devaient prendre en charge, a été confié à la mi-avril (suite, dit-on, à des « conseils pressants » prodigués par Washington) à une société américaine, la General Téléphone and Electronics. La commande, estimée à plus de 500 millions de dollars, a été baptisée contrat du siècle du téléphone. La GTE doit fournir et installer des centraux téléphoniques comportant 500 000 lignes.