Parallèlement, la capitale s'embourgeoise. De 1954 à 68, le nombre des artisans et petits commerçants a diminué de 39 %, celui des ouvriers de 25,5 %. De façon symétrique, le nombre des cadres supérieurs s'est accru de 27,4 %. « Le centre urbain apparaît de plus en plus comme l'apanage, la propriété de l'élite sociale », tandis que les jeunes et les plus défavorisés sont contraints de partir en banlieue. Ainsi, selon l'expression de Mgr Marty, « la ville devient boiteuse ».

Ce déséquilibre sur le plan de la population se retrouve sur celui de l'emploi. « La scission entre la partie Est de la région, où est concentré l'habitat, et Paris et la banlieue Ouest, où prédominent les emplois (par exemple, 81 % du parc de bureaux de la région), est de plus en plus nette », constate M. Giraud. Ainsi Paris comptait, en 1968, 45 emplois pour 100 résidents actifs. Il en résulte un allongement et une augmentation du nombre des migrations alternantes, qui représentent 3 milliards d'heures par an pour 8 milliards d'heures de travail.

Pourtant, déplore le président du District, « il ne semble pas qu'un effort soit réellement engagé pour limiter la progression du secteur tertiaire dans l'agglomération ». Ainsi, la surface de bureaux initialement prévue dans la zone A de la Défense a été presque doublée « selon des critères de rentabilité plus que d'aménagement rationnel ». Et le schéma directeur de Paris inclut même dangereusement la construction d'importantes surfaces de bureaux dans les grandes opérations de rénovation en cours : Maine-Montparnasse, Italie, Front de Seine, Bercy...

Ces distorsions entre l'emploi et l'habitat se traduisent par des difficultés croissantes de circulation et de transports. L'automobile, dont on prétend freiner l'utilisation, prend toujours une part prépondérante dans les modes de transports : elle assure 5,9 millions des déplacements quotidiens sur un total de 12 millions. Et la congestion du centre est renforcée par le retard pris par la réalisation des rocades concentriques, retard qui fait converger vers Paris non seulement le trafic interbanlieues, mais également le trafic interrégional. Or, la pénétration de la rocade A86 dans l'ouest de Paris a dû être, devant la résistance des élus locaux, stoppée à la veille des élections législatives.

La conclusion formulée par M. Giraud montre bien la difficulté d'apporter des remèdes valables à tous ces maux : « Il est certain, assure-t-il, que de telles carences sont, pour une part importante, la conséquence des retards accumulés dans le passé ; mais il est plus grave que les mêmes défauts apparaissent dans les zones urbaines nouvelles, où précisément le poids du passé n'existe pas. » Car « tous les déséquilibres constatés en matière de population, d'emplois, de transports, d'équipements collectifs, sont essentiellement les conséquences, à la fois du choix trop tardif d'un parti d'aménagement pour la région parisienne et du manque de respect des options de celui qui a été élaboré et décidé : le schéma directeur ».

On ne saurait mieux dire. Mais, finalement, dans Paris, la ville sans maire, comme dans le District – dont la moitié des membres du conseil d'administration sont nommés par le gouvernement et dont le président change chaque année – rien de valable ne pourra être effectué tant que l'on refusera de débloquer le principal verrou : celui qui enraye le fonctionnement des mécanismes de décision, englués dans une multitude d'organismes, d'administrations et de groupes de pression.

Centre

Protection de la nature et centrales atomiques

On a appelé le Val de Loire et les villes qui s'y échelonnent, de l'Orléanais à la Touraine, « la métropole-jardin ». Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que tout ce qui a trait aux questions de protection de la nature, de défense des sites, de sauvegarde du patrimoine géographique et avant tout du paysage touche de très près les habitants de cette région. Les deux affaires des centrales nucléaires sur les bords de la Loire et de la traversée de la Sologne par l'autoroute A71 le confirment.