Le mouvement de protestation s'amplifie, avec les prises de position des conseillers généraux de la Côte-d'Or et de l'Aube, des chambres de commerce de Dijon et de Beaune, et de tous les parlementaires de Côte-d'Or.

Mais si les Dijonnais partent ainsi en guerre contre le projet de la SNCF, les Maçonnais, eux, adoptent une attitude toute différente qui marque bien les conflits d'intérêt entre les deux métropoles rivales. Ainsi le conseil général de la Saône-et-Loire, présidé par Philippe Malaud (ministre de l'Information du 2e gouvernement Messmer), vote, le 14 décembre 1972, à la demande de M. Escande, maire de Mâcon, une motion qui n'est pas tendre pour les Dijonnais.

« Conscient de l'intérêt primordial, pour l'économie de l'ensemble de la Saône-et-Loire, de la réalisation du turbotrain de Paris à Lyon et Genève avec arrêt à Montchanin (communauté urbaine Montceau-Le Creusot) et Mâcon, le conseil général demande que, dans le cadre des investissements envisagés pour la réalisation des voies de communication, une priorité particulière soit accordée au turbotrain Paris-Lyon ;

« S'étonne des actions singulières entreprises par des personnalités régionales et dijonnaises à travers une association d'études de liaison rapide interrégionale afin de faire échouer une entreprise décidée en accord avec la CODER de Bourgogne et dont l'intérêt à la fois national, particulièrement pour l'ensemble des régions de Bourgogne, Saône, Rhône-Alpes traversées, international pour les liaisons via Genève et l'Italie, particulier à travers la Saône-et-Loire pour le triangle Montceau-Chalon, Le Creusot, Autun, Charolles, la Bresse et le Maçonnais, est reconnu par tous et plus particulièrement par les organismes de la région de Bourgogne. »

Le maire de Mâcon contre-attaque aussi en affirmant que la Côte-d'Or profitait de la présence sur son sol de la métropole régionale (Dijon) pour développer aux dépens des autres départements son infrastructure routière et lancer une zone industrielle de 900 ha dans la région d'Auxerre, avec l'amère pensée de drainer la main-d'œuvre bourguignonne.

Mais la querelle du turbotrain reste finalement la principale cause de désordre au sein de la région. Et le préfet de Saône-et-Loire, Jacques Patault, qui a déclaré avoir reçu mission d'entamer la procédure d'expropriation des terrains dans le courant de 1973, ne craint pas, lui non plus, de nourrir la polémique à l'occasion d'une conférence de presse :

« Notre choix est dicté par l'intérêt régional, affirme-t-il. Nous ne sommes pas contre Dijon. Mais Dijon, certes capitale régionale, n'est pas la Bourgogne, dont le département de Saône-et-Loire représente à lui seul le tiers de la population et, sur le plan économique, la moitié de la puissance, si l'on en juge par exemple par la consommation de gaz et d'électricité. Nous avons le droit et le devoir de penser à l'avenir des 550 000 Bourguignons de Saône-et-Loire. »

Revenant à la charge, M. Escande, maire de Mâcon, montre bien l'enjeu du débat, en écrivant, le 22 décembre 1972, à Marcel Elias :

« Votre action tend à démontrer qu'il ne peut exister une véritable solidarité régionale et qu'en définitive notre tort est de nous rattacher à la région Bourgogne alors que la région Rhône-Alpes nous tend les bras... »

Pendant ce temps la SNCF, elle, continue ses études, affirmant que la saturation de la ligne Paris–Lyon exige la création d'une liaison ferroviaire nouvelle et qu'il n'est pas possible, pour des raisons techniques, de doubler la ligne existante passant par Dijon. Entre Paris et Lyon, le turbotrain n'aurait que deux arrêts, à Montchanin et à Mâcon. Une bretelle, toutefois, serait prévue sur Dijon.

L'association d'études rétorque qu'il n'y aurait plus au départ de Dijon que 10 trains sur Paris (au lieu de 18) et 2 sur Lyon au lieu de 16. Le trafic de transit sur la Suisse et l'Italie serait dévié, la ligne actuelle serait de plus en plus réservée au trafic lent...

Quoi qu'il en soit, l'affaire du turbotrain montre la fragilité d'une région dont l'unité peut être remise en cause par un simple projet, un simple problème de chemin de fer.

Protection de la nature

Pour mettre fin à l'abattage d'une forêt située près de la commune de Beaumont-sur-Vingeanne, en Côte-d'Or, il a fallu la démission collective du conseil municipal pour provoquer une réaction des autorités. En effet, le plan d'occupation des sols interdit une telle opération. Les gendarmes sont alors intervenus, mais 12 des 46 hectares boisés avaient disparu.

Franche-Comté

L'heure du choix entre l'isolement et le développement

Incertaine de gagner la seconde bataille de l'industrialisation, comme elle remporta la première au siècle dernier, la Franche-Comté s'engage sur un autre terrain où ses atouts sont nombreux. Le préfet de région Schmitt a décidé que 1973 serait l'année du tourisme, et cela non sans raison valable.