Dans l'avenir, l'industrialisation pourrait créer un mouvement d'attraction de la main-d'œuvre des autres régions de France et permettrait d'accueillir des entreprises de secteurs industriels capables d'offrir d'aussi bons salaires qu'outre-Rhin.

Aggravation

Dans l'immédiat, cependant, l'importance des investissements étrangers dans les entreprises créées ces dernières années et la dépendance qu'ils entraînent par rapport à la conjoncture économique d'autres pays ou aux décisions sans appel des grands groupes internationaux, aggravent encore la sujétion ressentie avec l'accentuation du mouvement frontalier.

Par l'emploi, l'Alsace semble définitivement accrochée à l'économie rhénane.

En trois ans le nombre des ouvriers frontaliers a doublé

Jusqu'en mai 1968, les offres et les demandes d'emploi non satisfaites se sont maintenues dans un rapport moyen proche de l'unité, mise à part la période dépressive de la fin de 1967 marquée en Alsace par de très graves problèmes d'emploi, notamment dans le département du Haut-Rhin.

À partir de 1968, les entreprises alsaciennes connaissent une activité intense et offrent une embauche supplémentaire, alors que les entreprises d'Allemagne et du canton de Bâle recherchent des travailleurs frontaliers alsaciens toujours plus nombreux. Le nombre des travailleurs frontaliers a ainsi doublé entre 1969 et 1971 ; dans le même temps, on constatait en moyenne entre trois et quatre offres d'emploi pour une demande.

Les offres d'emploi sont restées à un certain niveau en 1971 et semblent vouloir se maintenir en 1972 tant que la consommation des ménages entretient l'activité des entreprises. À noter que la profonde distorsion que l'on a constatée pendant le premier semestre 1971 entre les offres et les demandes s'explique en partie par le phénomène Peugeot. Les offres massives d'embauche pour la nouvelle usine de Mulhouse ont en effet perturbé dans le Haut-Rhin l'évolution statistique du marché du travail.

Lorraine

Le voyage en Lorraine du président Pompidou (du 13 au 15 avril 1972) a placé au premier plan les difficultés d'une région en mutation et en tout premier lieu les problèmes de l'emploi. Il y a eu en Lorraine, pendant des décennies, un tel besoin de main-d'œuvre que les industriels ne cessaient d'y attirer des hommes venus des autres régions de France ou de l'étranger. Le nombre des offres d'emploi était toujours largement supérieur à celui des demandes.

La situation a commencé à changer avec les compressions de personnel dans le textile vosgien, les houillères, les mines de fer, puis la sidérurgie. En janvier 1968, on comptait 8 903 demandes non satisfaites pour 2 790 offres et, au printemps de cette même année, le recensement révéla que pour la première fois la balance migratoire lorraine se trouvait être déficitaire.

Les résultats d'une politique d'industrialisation très poussée (qui attira tour à tour Citroën, Kléber-Colombes, Michelin, Lucas-Girling, Gründig, le Tube ouvré, Polyfibres, etc.), ainsi que la bonne conjoncture économique des années 1969 et 1970 firent que la situation se retourna à nouveau. En effet, en juin 1970, les offres non satisfaites l'emportaient largement sur les demandes : 12 416 contre 5 863. Plus du double !

Le problème était-il réglé ? Hélas non ! Cette période d'euphorie ne dura pas et la situation se détériora à nouveau en octobre 1971, où le rapport offre-demande est devenu inférieur à l'unité en données brutes (9 042 offres pour 10 776 demandes). Ce solde négatif devait d'ailleurs s'aggraver le mois suivant et rester médiocre au cours du premier trimestre de 1972.

La situation recommence à se dégrader en octobre 1971 ; ce même mois le groupe sidérurgique Wendel-Sidelor décide la suppression de 12 500 postes de travail. Mais il s'agit là d'une coïncidence, car l'opération de restructuration de cette société est étalée sur quatre ans et n'a pris effet, dans l'immédiat, que de façon partielle.

Ce qu'il importe de souligner, en revanche, c'est que la demande satisfaite est restée en deçà d'une demande enregistrée, qui a été en croissance depuis juin (juin 1971 : 6 762 ; décembre : 10 606 ; mars 1972 : 11 067). L'inscription de plus en plus précoce des jeunes ne semble pas étrangère à ce phénomène. En même temps, l'insertion sur le marché du travail est devenue de plus en plus difficile : 61,4 % des demandeurs avaient retrouvé un emploi en octobre 1971, contre 49,2 seulement en décembre.