Parallèlement s'est poursuivie, du troisième au quatrième trimestre 1971, une baisse de l'offre non satisfaite supérieure à celle de l'année précédente (− 30,3 % contre − 19,7 %), conséquence du ralentissement de l'activité de certains secteurs. La remontée a toutefois commencé en février et en mars 1972.

Le tertiaire recherché

À cette dernière date, les demandes en chiffres bruts restent supérieures aux offres non satisfaites (+ 2 349). On constate en même temps une pénurie de main-d'œuvre manuelle qualifiée.

Les statistiques détaillées des demandes à fin décembre 1971 permettent de mieux appréhender ce problème. Sur un ensemble de 10 606 demandes non satisfaites, on distingue d'abord 5 665 hommes (53,4 %) et 4 941 femmes (46,6 %). Les moins de vingt-cinq ans représentent 4 764 personnes (44,9 %) et les plus de cinquante ans 1 977 (18,7 %).

Par groupes de métiers, il y a 2 301 demandes pour les emplois de bureau et assimilés (contre seulement 404 offres non satisfaites) et 2 293 demandes pour les métiers de la manutention et du stockage (pour 628 offres). En revanche, pour la transformation des métaux, ce sont les offres non satisfaites (1 679) qui dépassaient largement les demandes (722), cette tendance inversée étant la même pour d'autres professions manuelles (électricité, bois, bâtiment, etc.).

Dans l'ensemble, les emplois du tertiaire sont plus recherchés que ceux de l'industrie, et la formation professionnelle ne répond pas toujours bien aux besoins des chefs d'entreprise. Quand une industrie de main-d'œuvre se mue en industrie technique, un tel phénomène ne laisse pas d'être inquiétant. La région a certes raison de réclamer davantage de CET, mais il faut bien constater que ceux-ci ne sont pas toujours utilisés à pleine capacité parce que les jeunes se détournent de l'industrie. À moins d'être attirés par de hauts salaires et de meilleures conditions de travail, comme c'est le cas en Sarre pour les habitants de la région frontalière : plus de 12 000 personnes passent la frontière chaque jour.

Moins d'étrangers

En même temps, l'introduction en Lorraine des travailleurs étrangers est en voie de diminution. Au temps de la pleine expansion des industries de base, la Lorraine en a été une grande importatrice. En 1926 déjà, on recensait 217 118 étrangers dans les quatre départements de la région, pour une population totale qui n'atteignait encore que 1 767 603 habitants. En 1968, ce nombre est tombé à 173 348 étrangers (pour près de 2,3 millions d'habitants).

Depuis trois ans, le nombre des étrangers introduits et placés est en baisse constante : 10 745 en 1969, 10 194 en 1970 et 6 436 en 1971. La sidérurgie et surtout le bâtiment et les travaux publics continuent cependant à en recruter.

En résumé, la situation de l'emploi en Lorraine est loin d'avoir pris des proportions catastrophiques. En février 1972, 56 % des demandeurs inscrits à l'ANPE étaient placés en moins d'un mois, et le nombre des offres non satisfaites remontait la pente.

Mais ce qui constitue un des atouts de cette région représente aussi une source d'inquiétude : la jeunesse de sa population, 36,5 % des habitants ayant moins de vingt ans (contre 32,2 % sur le plan national).

Au cours du Ve Plan, les effectifs des industries lourdes (sidérurgie, mines de fer et houillères) ont baissé de plus de 30 000 unités et ces emplois sont définitivement perdus pour les jeunes. Pour le VIe Plan, la restructuration des industries traditionnelles se poursuivra, entraînant une nouvelle chute d'au moins 25 000 emplois (15 000 dans la sidérurgie, 7 000 dans les charbonnages et 3 000 dans le textile cotonnier). Il faut ajouter à ce tableau que la Lorraine souffre d'un grave sous-emploi féminin et que la déflation des effectifs dans l'agriculture y est la même que partout ailleurs.

Un pari difficile

Pour remédier à ces graves difficultés, la région a fait le pari de créer 85 000 emplois au cours du VIe Plan : 35 000 dans le secondaire et 50 000 dans le tertiaire. Elle aura du mal à le gagner.