Le 18 mai 1972, le Comité central se réunit et approuve la politique étrangère du secrétaire général du Parti. Dès lors le sort de Chelest est scellé. Deux jours plus tard on apprend qu'il devient un des vice-présidents du Conseil des ministres (une voie de garage) et, le 25 mai, il est remplacé à la tête du PC ukrainien par Wladimir Chtcherbistki. Sorti gagnant de cette épreuve, Leonid Brejnev confirme sa position incontestable de seul maître de l'Union soviétique.

Diplomatie planétaire

Légaliser la détente en Europe, geler les litiges avec les États-Unis en éliminant tout risque de conflit majeur entre les deux grandes puissances, contenir la poussée de la Chine sur la scène internationale : avec persévérance, l'URSS a fait porter les efforts de sa politique étrangère sur ces trois points principaux, et cela avec un certain succès, même si une partie de ces options choisies par Leonid Brejnev ont été contestées par des membres de la direction soviétique.

Certes, Moscou a souvent semblé ne pas avoir l'initiative et ne réagir qu'à celles des autres. Mais elle l'a fait assez rapidement pour qu'on puisse considérer qu'elle n'a pas été perdante.

Rapprochement Nixon-Mao

Au départ, l'Union soviétique a été prise de court par le tournant de la politique chinoise. Placée devant la perspective du voyage de Nixon à Pékin, l'interprétant comme une menace directe contre son rôle mondial, elle manifeste quelques signes d'énervement. Aussitôt elle a déclenché une très violente campagne contre la « collusion sino-américaine ». « Mao veut dominer le monde par la guerre », proclamait Radio-Moscou, tandis que la télévision soviétique mobilisait les masses en montrant des images de la frontière menacée d'Extrême-Orient. La reprise des bombardements américains contre le Nord-Viêt-nam, alors que le président des États-Unis était attendu en Chine, est venue alimenter cette campagne, l'Union soviétique accusant Pékin d'encourager par son silence les vautours de Washington.

Initiatives diplomatiques

Parallèlement à ce déchaînement verbal, les dirigeants de l'URSS prennent d'autres initiatives, plus diplomatiques, destinées à effacer l'impression d'isolement que leur donne la rencontre Nixon-Mao. On assiste à une contre-offensive tous azimuts, dont le point culminant sera constitué par le sommet russo-américain de Moscou, le 22 mai 1972. Tous les grands dirigeants soviétiques sont mis à contribution pour une série de voyages dont le rythme n'a que peu de précédents dans l'histoire de l'URSS.

L'Europe, c'est Leonid Brejnev qui s'en occupe. En septembre 1971, il est à Belgrade, où il apaise les inquiétudes du maréchal Tito (qui lui rendra sa visite en juin 1972) en reconnaissant la « voie particulière » du socialisme yougoslave. La visite que le chef du PC soviétique effectue ensuite en France — du 25 au 30 octobre 1971 —, bien que prévue depuis longtemps, s'inscrit également dans le contexte nouveau du rapprochement sino-américain. Bien que Leonid Brejnev n'ait pas caché son désir de voir son séjour français se terminer par la signature d'un traité en bonne et due forme, il devra se contenter d'un énoncé de principes. Insistant sur « le non-recours à la force et à la menace » dans les rapports internationaux, il est cependant satisfaisant pour l'URSS dans la mesure où il contribue à une détente européenne qu'elle considère comme vitale pour assurer ses arrières face à la Chine.

Toujours dans cette optique, Kossyguine, le président du Conseil, est chargé d'autres régions du monde. Du 4 au 10 octobre 1971, il sillonne l'Afrique du Nord, de l'Algérie au Maroc, confirmant, si besoin était, que l'URSS entend conserver son droit de regard sur les affaires méditerranéennes, puis continue sa tournée en allant au Canada et enfin en Norvège et au Danemark. Nicolaï Podgorny, lui, se rend, en décembre, à Hanoi, sans doute pour rappeler aux Nord-Vietnamiens que, devant la « collusion sino-américaine », les Soviétiques sont leurs seuls et véritables alliés. Mais cette réplique à l'offensive diplomatique de Pékin a des limites très précises.