Il naît le 19 décembre 1913 à Lübeck. Dès 1933, Willy Brandt, réfugié en Norvège, prend activement part à la lutte antinazie. Trente-trois ans après, devenu ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de coalition du chancelier Kiesinger, il pose les jalons de sa future politique. Premier chancelier socialiste de l'Allemagne fédérale, il peut enfin faire aboutir sa politique d'ouverture et de détente entre l'Est et l'Ouest. Le jury Nobel a voulu prendre acte d'un renouveau de l'Europe d'après guerre en récompensant l'un de ses principaux artisans.

Récession économique

Les industriels allemands avaient subi depuis le deuxième trimestre de 1971 une forte baisse de leurs commandes, en particulier dans l'acier et la chimie. À la fin de l'année, de nombreuses usines produisaient très au-dessous de leur capacité et le chômage approchait du taux de 2 % (de la population active), taux inquiétant dans le contexte historique allemand, mais faible, malgré tout, comparé à ceux de l'Italie, de la Grande-Bretagne et des États-Unis au même moment : de 4 à 5,5 %.

À cette récession cyclique (la quatrième depuis 1945) et prévue par les économistes, s'ajoutait l'inquiétude causée en Europe par la politique monétaire de Richard Nixon. Du 15 août jusqu'au 18 décembre, date de l'accord de Washington sur de nouvelles parités, il sembla que la réévaluation de fait du DM allait miner la position des exportateurs allemands sur les marchés internationaux.

En novembre, décembre et janvier on assistait à un déferlement (qui a paru calculé) de pessimisme très excessif. Les milieux patronaux ouest-allemands parlaient déjà d'entreprises en faillite par milliers et signalaient d'obscures fuites de capitaux vers la Suisse ; et même, fait unique dans l'histoire de la République fédérale, un certain nombre de chefs d'entreprise faisaient paraître dans la presse un libelle assurant que la condition du redressement était la chute du gouvernement Brandt.

Le très puissant ministre de l'Économie et des Finances, Karl Schiller, assurait au contraire que cette phase de récession aurait des effets salutaires en freinant l'inflation et en conjurant l'explosion des salaires. Il remettait donc de mois en mois la décision propre à déclencher une relance : l'utilisation des fonds publics (10 milliards de DM en tout) mis en réserve au cours des années de boom (1969-70), au titre de l'action conjoncturelle.

La grande grève des métallos du Bade-Wurtemberg (650 000 ouvriers en arrêt de travail pendant plus de deux semaines au mois de décembre), entrecoupée de négociations très dures, fut le moment le plus difficile de cette phase économique. Mais elle devait finalement se clore par un accord sur une augmentation moyenne de 6,9 % des salaires des métallos, c'est-à-dire à mi-chemin entre les propositions patronales et les exigences syndicales. Les négociations salariales se sont toutes conclues ensuite par des augmentations du même ordre (de 6 à 8 %) alors que des taux de 10, 12, voire 15 % n'étaient pas rares en 1970 et 1971.

Réformes

Sur le plan des réformes intérieures, les déboires ne furent pas épargnés au gouvernement Brandt. La réforme des universités n'a guère progressé, et la réforme fiscale a été très critiquée. Mais tous les Allemands ont désormais le droit de vote à 18 ans, et l'encouragement au capitalisme populaire (Vermögensbildung) par l'épargne est une réussite inattendue. Faute de dégager assez de crédits pour les réformes, le cabinet a néanmoins perdu deux de ses membres, déçus : Philippe Rosenthal, secrétaire d'État auprès de K. Schiller, en novembre 1971, et Hans Leussink, ministre de l'Éducation et de la Science, en janvier 1972.

Mais, dès les premiers mois de 1972, les accords de Washington se traduisaient par une reprise des échanges et le chômage commençait à reculer. De plus, certains milieux industriels n'avaient à aucun moment retiré leur confiance à Willy Brandt, surtout ceux qui sont directement intéressés aux échanges commerciaux avec l'Est, échanges qui dépendent entièrement du succès de l'Ostpolitik.

Ostpolitik

À l'automne, les traités avec Moscou et Varsovie sont prêts. Les conversations entre les Quatre pour un nouveau statut de Berlin sont en cours, ainsi que les négociations entre Bonn et Pankow pour de meilleurs rapports entre les deux États allemands. C'est à ce moment, le 20 octobre, que Willy Brandt apprend, au cours d'une morne séance du Bundestag, qu'il a été choisi pour le prix Nobel de la paix, en raison de cette Ostpolitik. Une vague d'émotion parcourt la RFA et paraît garantir que la ratification des traités sera bientôt chose faite.