Il démissionne formellement le 7 février 1970 : c'est la 31e crise ministérielle depuis la guerre, ouverte une fois de plus en dehors du Parlement. De nouveau se profile l'hypothèse d'élections anticipées, quoiqu'une échéance puisse les remplacer : le corps électoral doit, en effet, être appelé aux urnes pour élire les nouveaux conseils régionaux avant la fin du printemps. Ce scrutin purement administratif prend immédiatement une coloration politique : il est interprété comme le test de la validité du centre gauche.

La crise se développe dans un brouillard opaque et tous les épisodes n'en ont pas encore été éclaircis. Le chef de l'État fait notamment appel aux deux rivaux de la démocratie chrétienne, A. Moro, qui échoue, puis A. Fanfani, qui exige que les quatre secrétaires généraux des partis de la majorité entrent dans son éventuel gouvernement. Il déblaie largement le terrain, prépare le programme, se pose vis-à-vis de l'opinion publique en sauveur ou en recours, au-dessus des partis.

Le relais revient finalement à Mariano Rumor. Sur ces bases, il constitue son troisième gouvernement, qui est investi le 17 avril par la Chambre.

Son programme est ambitieux. On est pourtant sceptique sur sa durée. Il envisage, en effet, de tenir les élections régionales le 7 juin, après avoir fait voter la loi de finances qui attribue des crédits aux régions ; de proposer une amnistie pour tous les délits commis à l'occasion des conflits du travail ; de faire aboutir la réforme universitaire ; de procéder avec le Saint-Siège à un échange de vues sur l'introduction du divorce dans la législation ; de relancer la politique de planification ; de procéder à la réforme fiscale ; de contenir la hausse des prix.

La plupart de ces mesures sont en très bonne voie à l'approche de l'été. Deux d'entre elles représentent un bouleversement profond des structures italiennes : l'adoption du référendum abrogatif et la création des régions.

Élections régionales

Les deux initiatives appliquent, avec vingt-trois ans de retard, des dispositions constitutionnelles conçues au lendemain de la guerre dans un esprit différent. La loi créant le référendum prévoit que 500 000 signatures doivent être rassemblées pour demander l'abrogation d'une loi ; mais un de ses titres confère à 50 000 citoyens le droit de déposer une proposition de loi sur le bureau du Parlement. Ces procédures de démocratie directe sont lourdes d'inconnu.

Il en va de même pour les régions. Élus le 7 juin, les Conseils régionaux, qui représentent le pouvoir législatif à l'échelon de la nouvelle circonscription, ont un délai de deux ans pour se donner un statut, délai pendant lequel l'État national doit, de son côté, établir les lois-cadres qui fixeront les compétences respectives. L'extrême politisation de la campagne électorale fait augurer bien des conflits entre la région et la capitale nationale, dont la cour constitutionnelle sera appelée à trancher.

Le poids du divorce dans la crise

Simultanément, le Parlement a poussé ses débats sur l'introduction de certains cas de divorce dans la législation. Le projet de loi, adopté par la Chambre, est venu devant le Sénat, non sans une discussion avec le Saint-Siège. Celui-ci transmet le 11 février au gouvernement une longue note faisant valoir que, par le Concordat de 1929, le gouvernement « reconnaissait les effets civils au mariage religieux célébré selon le droit canonique » et que, d'autre part, toute modification au Concordat doit résulter d'un accord commun après consultations. l'Église ne peut accepter le divorce. Sur le plan diplomatique, elle propose une prise de contact.

Le litige joue un rôle majeur dans la crise ministérielle de février-mars. Il est finalement entendu qu'un échange de vues aura lieu, dont les résultats seront soumis au Sénat. Le 30 mai et le 15 juin, les ministres des Affaires étrangères et de la Justice Moro et Reale, rencontrent le cardinal Villot, secrétaire d'État du Saint-Siège. La protestation formelle du Vatican est maintenue, mais la porte reste ouverte, et, au-delà du divorce, les perspectives d'une négociation de révision plus générale du Concordat se dessinent clairement.