Les usines thermiques, elles aussi, sont sous-alimentées en raison de la hausse du prix du pétrole. Le litre d'essence auto monte a 2,03 F (+ 64 %), et l'on voit le Premier ministre donner l'exemple de l'économie en se rendant à son bureau en voiture à cheval.

Pour freiner l'hémorragie de devises, l'Inde, qui importe 12 des 19 millions de tonnes de pétrole brut qu'elle consomme, intensifiera, au cours du Ve Plan, l'exploitation du charbon et le développement de l'énergie nucléaire.

Le Ve Plan quinquennal entre en vigueur le 1er avril 1974 ; il a été fortement remanié pour faire face à la crise et tenter de relancer la croissance. L'accent sera mis sur plusieurs secteurs, à commencer par les engrais (+ 20 %) ; la demande est très forte, mais la capacité de production insuffisante. Cependant, pour passer des 2 millions de tonnes produites actuellement aux 7 millions de 1979, il faudra trouver les devises nécessaires à l'achat des phosphates et du soufre.

Remaniant le budget en août 1973, le gouvernement décide de réduire de 5 % les dépenses publiques. Le déficit atteindra tout de même 5,7 millions de francs. Les secteurs pénalisés sont : la santé, l'éducation, les travaux publics, pourtant générateurs d'emplois. On ne touche pas au budget militaire, qui croît de 13 % et absorbe au total 21 % des dépenses publiques.

Sécheresse et inflation mondiale sont « indépendantes de notre volonté », constate le Premier ministre, pour calmer les mécontents.

Émeutes

Pour la première fois depuis vingt-quatre ans, l'année n'est qu'une longue suite de manifestations violentes ; commencées au cours de l'été 1973, elles ne cessent pas jusqu'à l'été 1974. Entretenue par la pénurie alimentaire (la ration de riz est officiellement diminuée de 7,5 à 2,5 kg par mois), l'inflation (+ 24 % en un an), la stagnation économique, le chômage et le marché noir, la vague de protestations dégénère souvent en émeutes.

Les foules incendient tout, pillent les magasins d'alimentation, saccagent les postes de police. Les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre sont meurtriers : 5 victimes au Mysore, où l'armée est mise en état d'alerte après l'attaque d'un train de céréales ; 8 morts à Bhopal (Madhya Pradesh), lors d'émeutes provoquées par la hausse des prix ; et, de février à mars 1974, 6 morts au Maharashtra, 80 au Gujerat ; 32 morts et plus de 200 blessés, 1 800 arrestations en une semaine, à Patna, la capitale du Bihar.

Dans ces trois États, Bihar, Gujerat et Maharashtra, naissent ou s'affirment des forces politiques : naxalites, étudiants, intouchables.

À la suite des affrontements au Gujerat, État qui vit naître Gandhi, le non-violent, l'opposition n'est plus seulement le fait d'irresponsables. Moranju Desai, 78 ans, un des chefs de la tendance du Congrès hostile à Indira Gandhi, a pris le relais. Il entreprend une grève de la faim, réclamant le départ du chef du gouvernement régional congressiste, Chimanbhai Patel. Indira Gandhi cède et l'assemblée régionale est dissoute par New Delhi.

C'est le succès des syndicats, qui avaient mené une grève de six mois pendant l'hiver, et surtout des jeunes, les plus menacés par le chômage (5 millions) dans une économie au ralenti. Un pouvoir étudiant naît. Il est nationaliste à New Delhi, où les élections universitaires d'octobre 1973 réveillent les sympathies au Jan Sangh ; il est orienté vers l'extrême gauche au Bihar, s'inspirant des leçons de Gandhi au Gujerat, notamment dans la principale organisation, le Nava Nirman Yumak Samiti : le Mouvement des jeunes pour l'édification d'une nouvelle société.

Continuité

Au Maharashtra, les remous de surface (Indira Gandhi, à Nagpur, doit couper court à une allocution sous une pluie de chaussures) vont de pair avec ce qui peut être la lame de fond susceptible d'ébranler un jour le système indien : la révolte des intouchables. « Nous voulons un changement révolutionnaire », proclame leur chef, Raja Dhale. Sur le modèle des Noirs américains, ils ont choisi le nom de Dalit Panthers (panthères opprimées). C'est un mouvement avec lequel il faut compter (20 000 sympathisants). On l'a bien vu en janvier 1974, aux élections partielles de Bombay, où leurs voix ont, pour la première fois, manqué au candidat du Congrès, qui a été battu.