C'est à la délégation de la FNSEA, conduite par son président, Gérard de Caffarelli, accompagné de Michel Debatisse, Pierre Cormorèche et Albert Genin, que le président de la République annonce, le 28 octobre, que les conditions d'octroi du crédit aux agriculteurs seront assouplies.

Tant que les mesures d'assouplissement du crédit ne sont pas effectivement prises, la tension reste vive ; surtout dans l'Ouest. Dans le Calvados, le 5 novembre, Bernard Pons est contraint par des agriculteurs mécontents d'effectuer une marche forcée de plusieurs kilomètres. Le même jour, V. Giscard d'Estaing et J. Duhamel annoncent un desserrement limité du crédit. Des manifestations ont lieu vers la mi-novembre dans diverses villes, à Bordeaux, Lille, Saint-Lô, où des accrochages se produisent avec la police ; à Ussel, à Alençon, des agriculteurs jurassiens barrent des routes dans la circonscription du ministre de l'Agriculture.

Les ministres interceptés

Le jugement du tribunal de Saint-Nazaire, siégeant, le 18 novembre, en flagrant délit et condamnant à deux mois de prison trois jeunes agriculteurs de Loire-Atlantique qui ont participé à l'interception d'Olivier Guichard, ministre de l'Éducation nationale, suscite une vive effervescence dans l'Ouest. Le CNJA appelle aussitôt ses adhérents à manifester, le 24 novembre, dans toute la France ; ils seront 30 000 à répondre à cet appel.

Entre-temps, la FNSEA intervient auprès de R. Pleven, garde des Sceaux, R. Marcellin, ministre de l'Intérieur, et J. Duhamel, ministre de l'Agriculture : il s'agit pour elle de désamorcer les tentatives de contamination du syndicalisme agricole avec les mouvements ouvriers, étudiants et gauchistes qui effraient les éléments paysans modérés de l'Ouest (Bernard Lambert donne une expression à ce courant paysan révolutionnaire dans son livre : les Paysans dans la lutte des classes).

Certains rejoignent d'ailleurs la nouvelle Fédération française de l'agriculture, créée le 2 décembre sur la droite de la FNSEA par un syndicat d'Indre-et-Loire, tandis que, sur la gauche, le MODEF ne manque pas une occasion de critiquer la collusion de la FNSEA et des pouvoirs publics. Les syndicats CFDT des salariés agricoles organisent le 21 novembre une journée de revendications. Devant ce tumulte, le gouvernement hausse le ton : « Toute tentative pour contraindre les membres du gouvernement et les fonctionnaires qui les représentent sera réprimée », déclare le Premier ministre. Quatre agriculteurs de Loire-Atlantique, accusés d'avoir soumis le préfet à un entretien forcé, sont condamnés à des peines de prison avec sursis.

Adieu coquelicots

Le succès de la conférence de La Haye et l'heureux aboutissement des négociations européennes qui s'ensuivront apportent un élément de détente dans l'opinion paysanne, tandis que la FNSEA reprend en main ses troupes au cours d'un congrès extraordinaire réuni à Versailles à la mi-décembre et diffuse un manifeste pour la défense d'une agriculture moderne et vivante. Condamnant les conclusions du rapport Vedel, la FNSEA s'élève contre « la campagne de dénigrement systématique de l'agriculture ».

Une émission télévisée de François-Henri de Virieu, intitulée Adieu coquelicots, diffusée à la veille du congrès national de la FNSEA, réuni à Lyon, va provoquer la colère des dirigeants syndicaux. M. Debatisse refuse de participer de Lyon au débat en direct, pour protester contre « la présentation scandaleuse et orientée de l'agriculture française ». L'auteur de l'émission est expulsé de la salle du congrès de Lyon ; les journalistes professionnels protestent ; le congrès applaudit. J. Duhamel, qui craignait ce rendez-vous annuel, fait cause commune avec la salle pour défendre l'agriculture. La FNSEA en appelle au gouvernement et les chambres d'agriculture demandent un droit de réponse à la télévision.

L'opinion paysanne s'est émue de la façon dont a été exposé le dossier de l'agriculture, présenté comme une charge budgétaire, un boulet pour la nation, sans que soit montré son apport à l'économie nationale. Des chiffres cités sont contestés. « Si l'on veut mobiliser l'opinion pour provoquer des changements, écrit M. Debatisse, alors il faut montrer le prix des évolutions et les souffrances qu'elles entraînent »... « Nous avons voulu montrer des hommes et des femmes avec leurs difficultés, leurs problèmes et les efforts qu'ils faisaient pour les résoudre.