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Énergie

La bataille pétrole-atome est ouverte

Les industries de l'énergie ne sont pas de celles qui sont sujettes à des variations brusques d'activité. Dans ce domaine où les besoins sont bien connus, la production planifiée, les investissements très lourds, tout changement de cap ne peut s'opérer que lentement.

C'est ainsi que la physionomie du marché de l'énergie en France en 1969-70 reflète, pour les énergies primaires, les mêmes tendances que celles qui avaient été observées les années précédentes : progrès rapides de la consommation du gaz naturel et surtout du pétrole, recul continu du charbon. Quant à l'électricité, énergie secondaire, sa progression, en raison de la bonne conjoncture économique de 1969, atteint 9,5 %, taux supérieur à la tendance à long terme (doublement en dix ans, soit 7 % par an).

De nouvelles données

Sous ces apparences inchangées, l'attention doit cependant se porter sur l'apparition de faits nouveaux, susceptibles de modifier un jour ou l'autre le tableau d'ensemble. L'un de ces faits est d'ordre économique : c'est le renversement de la tendance à la baisse des prix du pétrole et du charbon que l'on observait depuis dix ans. L'autre est d'ordre technique et industriel : c'est l'abandon de la filière atomique française, les modifications de structure en cours au Commissariat à l'énergie atomique et dans l'industrie électrotechnique, qui vont changer les données de base de l'effort atomique français.

La production de pétrole en France même reste toujours faible, bien que les recherches se poursuivent off shore dans le golfe de Gascogne et le golfe du Lion. L'effort de recherche entrepris par l'État il y a une quinzaine d'années a été plus heureux outre-mer qu'en métropole : l'Algérie a produit 45 millions de tonnes de brut en 1969, le Gabon 5 millions, et d'intéressantes découvertes ont été faites dans ce dernier pays. Si l'on ajoute la part des sociétés françaises dans la production du Moyen-Orient, soit 42 millions de tonnes, on voit qu'un objectif important de cette politique est maintenant atteint : les compagnies nationales (Total et Elf-Erap) contrôlent une production de pétrole équivalente aux besoins de la consommation du pays.

Un autre objectif était que les compagnies françaises détiennent au moins la moitié du marché français (la part laissée aux compagnies pétrolières internationales étant équilibrée par la pénétration des sociétés françaises sur les marchés étrangers). Il est également atteint. En prenant, au début de 1970, le contrôle de la société Antar, Total et Elf ont même consolidé leur emprise sur le marché intérieur.

Rôle no 1 du pétrole

Il y a dix ans, les produits pétroliers couvraient le quart des besoins totaux d'énergie de la France ; ils en assurent aujourd'hui plus de la moitié. Ces progrès ont été obtenus aux dépens du charbon et par le moyen d'une pression continue sur les prix : le fuel à usage industriel coûtait 20 % moins cher en 1969 qu'en 1959 ! Beaucoup d'économistes prévoyaient qu'une fois acquise la défaite du charbon, les pétroliers voudraient cueillir les fruits de leur victoire. De fait, on a pu constater, à la fin de 1969, une vive remontée — de 20 à 30 % — des prix du fuel lourd en Europe pour les nouveaux contrats. Cette flambée peut avoir évidemment des causes passagères, mais on ne peut qu'être frappé par l'accumulation des facteurs de hausse des prix du pétrole à long terme : coût croissant de la recherche des gisements, exigences des pays producteurs, et surtout développement fantastique des besoins : dans vingt ans, le monde consommera 2,5 fois plus d'énergie que maintenant, et l'essentiel de cet accroissement devra être demandé au pétrole.

Les prix du pétrole ayant un rôle directeur, les conséquences de leur hausse se sont déjà fait sentir, par exemple pour le charbon : les catégories les plus demandées (charbon à coke) ont pu également augmenter sensiblement leurs prix. Il en résultera notamment que la subvention d'équilibre accordée par l'État aux Charbonnages de France va vraisemblablement diminuer en 1970, alors qu'elle ne cessait d'augmenter depuis dix ans.

Nouveau destin du charbon

Le charbon pourrait ainsi retrouver sur le marché mondial de l'énergie une chance qui paraissait définitivement passée. Non en France, où les gisements sont trop usés et trop peu rentables, et où le plan de fermeture des mines et de conversion des régions minières sera, en tout état de cause, maintenu. Mais dans les pays plus favorisés, États-Unis par exemple, où l'on prévoit d'ores et déjà une vigoureuse reprise de la production de charbon, pour satisfaire à la fois la demande intérieure et les besoins d'importation du Japon et de l'Europe.