« Il ne s'agit pas d'accuser les agriculteurs, ni quiconque, rétorque Pierre Desgraupes, directeur d'Information première, dans une interview publiée par Jeunes Agriculteurs, mais il n'est pas mauvais que les Français se rendent compte de ce qu'on fait de leurs impôts. C'est cela aussi la participation. »

Des contrats à la carte

Finalement, les conditions ne sont pas réunies pour qu'une seconde émission Adieu coquelicots puisse être projetée comme il avait été prévu.

Cet incident fait passer au second plan les problèmes de fond sur l'avenir de l'agriculture, évoqués néanmoins dans les commissions du VIe plan et dans les congrès professionnels.

Le ministre et les dirigeants agricoles se disputent la paternité de l'idée d'un contrat de progrès pour l'agriculture.

Mais ici, les paysans sont demandeurs ; ils veulent s'assurer que l'État s'engagera à accorder un volume de crédits croissants pour soutenir l'agriculture et lui permettre de participer à la croissance économique du pays, cela pendant la durée du plan. En contrepartie, les agriculteurs admettent de participer à la résorption des excédents, à condition que cette disposition soit applicable dans l'ensemble des pays de la Communauté européenne.

La commission de l'agriculture du VIe plan, que préside Albert Genin, admet, sur le rapport de Charles Achach, qu'il faut réviser l'actuel système de soutien des prix, réserver à l'avenir les aides de l'État aux seuls agriculteurs groupés et ne plus aider le produit — ce qui profite à tous, même à ceux qui n'en ont pas besoin —, mais le producteur.

Des accords par produits et par régions sont envisagés dans cet esprit. La Charte du gruyère constitue un premier contrat interprofessionnel régional. Sous l'impulsion de A. Van Ruymbeke, directeur du Fonds d'orientation et de régularisation des marchés agricoles (FORMA), d'autres contrats sont signés pour faciliter, par exemple, la reconversion du lait vers la viande ; c'est le cas du contrat signé avec le groupe France-Lait. L'aide de l'État se trouve diversifiée et personnalisée avec cette politique de contrats à la carte, appelée à se développer.

Le crédit agricole évolue

En réclamant l'extension des activités du Crédit agricole mutuel, les dirigeants de cette institution déclenchent une vive polémique avec l'association professionnelle des banques et contraignent le gouvernement à un examen approfondi des conditions d'une éventuelle extension. Une première commission d'experts des administrations des Finances et de l'Agriculture, présidée par P. Brossolette, n'a pu aboutir à des conclusions unanimes. Le gouvernement a chargé R. Blot d'élargir les consultations aux milieux intéressés et de présenter un rapport avant le 31 juillet 1970.

Le Crédit agricole mutuel est en pleine expansion. Il a collecté en 1968 20 % de l'épargne totale (ce chiffre est tombé à 13,3 % en 1969, du fait des avantages accordés aux caisses d'épargne). Ses ressources ont tendance à dépasser les besoins traditionnels de l'agriculture. Dès lors, deux thèses s'affrontent. La première consiste à étendre le champ des emplois des fonds recueillis en autorisant le Crédit agricole à prêter de l'argent à tous ceux qui servent le développement agricole et rural, voire aux non-agriculteurs et même s'ils résident en ville. C'est celle du Crédit agricole.

La seconde thèse consiste à freiner cette expansion en soumettant le Crédit agricole aux obligations fiscales générales et en lui faisant perdre divers privilèges. C'est la thèse des milieux bancaires.

Deux types de réformes se présentent dès lors : ou bien le Crédit agricole mutuel conserve ses caractères actuels d'institution professionnelle, mutualiste, à vocation agricole prédominante, mais susceptible d'un élargissement limité ; ou bien il devient une banque comme les autres, soumise aux mêmes obligations. Le gouvernement attend que les intéressés se prononcent avant de faire son propre choix.

La poussée du MODEF

En dépit d'une campagne des sortants marquée par une journée nationale des chambres d'agriculture, le 11 mars, salle Pleyel, à Paris, avec vote d'un manifeste présenté au président de la République, le scrutin pour le renouvellement d'une partie des chambres se traduit par une forte poussée du MODEF.