La hausse des prix du pétrole a une autre conséquence. Les prévisions de développement des centrales atomiques en France avaient été freinées, on le sait, parce que leur compétitivité paraissait incertaine, face à celle des centrales thermiques alimentées au fuel. La hausse de ce dernier renverse tous les calculs et pourrait annoncer le véritable démarrage d'importants investissements dans l'atome civil.
L'énergie nucléaire
On sait que le gouvernement français a longtemps hésité sur la voie dans laquelle il fallait s'engager : filière française ou filière américaine ? Finalement, à la fin de 1969, le choix déchirant a été annoncé : malgré le temps et l'argent considérables qui lui avaient été consacrés, on avouait que la filière française (uranium naturel et graphite) n'était pas compétitive et ne serait pas poursuivie au-delà des centrales en construction (Saint-Laurent-des-Eaux et Bugey). Au début de 1970, l'EDF lançait un appel d'offres pour la construction selon la technique américaine (uranium enrichi et eau légère) de la centrale de Fessenheim, primitivement prévue pour la technique française.
Du même coup, on ne pouvait éviter de remettre en question les finalités du Commissariat à l'énergie atomique, dont les dimensions (32 000 employés, 5 milliards de dépenses annuelles) ne cadrent plus avec le rétrécissement de ses missions, tant militaires que civiles. En mai 1970, un projet de réorganisation fondé sur la séparation et la rentabilisation des différents services du Commissariat était mis à l'étude.
À l'inverse, les perspectives attirantes désormais ouvertes aux techniques américaines ont joué un rôle capital dans la course à la concentration à laquelle se livrent les grandes sociétés françaises d'électrotechnique.
Ces quelques données sont à la base, des travaux prospectifs auxquels se sont livrés les experts de l'énergie à l'occasion de la préparation du VIe plan. Dans ce bilan, deux éléments sont certains : le déclin du charbon et la stabilisation de l'électricité hydraulique au niveau actuel. Le développement du gaz naturel est assuré, mais non son rythme : il dépendra fortement de la découverte de gisements nouveaux et des accords commerciaux de fournitures qui pourront être passés (notamment avec l'URSS). Mais l'essentiel de l'incertitude porte sur le développement de l'énergie nucléaire, qui, selon les hypothèses, varie du simple au double. Dans l'hypothèse nucléaire faible, le complément de consommation est assuré en totalité par les produits pétroliers. La bataille de l'énergie de la prochaine décennie se jouera donc entre le pétrole et l'atome, et c'est l'évolution des prix du premier et de la rentabilité du second qui décidera de son issue.
Métallurgie
Premiers résultats du plan acier
La très haute conjoncture amorcée à la fin de 1968 et qui a dominé l'année 1969 s'est prolongée pendant le premier semestre 1970.
La demande est restée vive sur tous les marchés, quels que soient les produits et les pays destinataires. La flambée de l'industrie travaillant pour les biens de consommation a enregistré son maximum au milieu de 1969, et le plan de redressement n'a amené le fléchissement de sa demande qu'au printemps 1970. En revanche, l'industrie travaillant pour les biens d'équipement, qui a démarré plus tard, n'avait pas encore, au milieu de 1970, constaté de tassement dans son activité. Enfin, les marchands de fer, dont le rôle de grossistes a pour conséquence d'amplifier les variations de la conjoncture au lieu de les atténuer, ont fortement stocké jusqu'au printemps 1970, et n'ont commencé à livrer plus qu'à commander qu'à partir de ce moment.
Tensions aiguës
Dans cette phase de très haute conjoncture, les phénomènes de tension du marché ont été très aigus : les délais de livraison se sont tendus, les usines ont atteint la limite physique de leur capacité de production, les dépannages ont été constamment nécessaires pour éviter des ruptures d'approvisionnement. Ces manifestations de pénurie n'ont pas atteint la même acuité qu'au cours de semblables périodes antérieures : il faut y voir l'effet de l'augmentation des capacités et de l'interpénétration des marchés, et celui d'une meilleure connaissance de leurs besoins réels, et d'une meilleure prévision de la conjoncture par la clientèle.