Déméter

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Terre-Mère, fille de Cronos et de Rhéa, sœur de Zeus et déesse de la terre fertile, du blé, des moissons.
À Déo [Déméter], protectrice des vanneurs, aux Heures protectrices des sillons, le laboureur Héronax consacre, de sa pauvre petite moisson, cette part d'épis et ces légumes de toute espèce. Il pose sur ce trépied de pierre cette très petite offrande, prélevée sur sa petite récolte ; il ne possède, en effet, qu'un bien mince héritage sur cette misérable colline.
C'est Déméter qui, la première, cultive la terre pour en recueillir les fruits ; la première qui établit des lois.
La légende de Perséphone
Parmi les légendes qui la concernent, la plus célèbre raconte l'enlèvement de sa fille Coré-Perséphone (Proserpine), fille de Zeus, par Hadès (Pluton), et sa quête désespérée pour la retrouver.
Un jour qu'elle cueille des fleurs, Hadès surgit des entrailles de la terre, s'empare de Coré et l'emmène sur son char dans son royaume souterrain. Le cri poussé par Coré alerte Déméter. Neuf jours et neuf nuits durant, elle cherche sa fille, ignorant que Zeus, l'a lui-même promise au dieu des Enfers. Le dixième jour, Hélios, témoin du rapt, pris de pitié devant un tel désespoir, lui révèle la vérité.
Folle de douleur, ivre de colère, Déméter quitte alors l'Olympe et abandonne ses fonctions divines. Les instruments agricoles se brisent sous sa main ; les champs perdent leur fertilité ; les vents soufflent si fort, la pluie tombe avec une telle abondance que les récoltes sont détruites. Pour finir, les mauvaises herbes envahissent les prés.
Voir aussi : Enna, Aréthuse, Hadès, Hadès se prépare à enlever Proserpine
Déméter se met à errer sur la Terre. Ses pas la mènent à Éleusis. Déguisée en vieille femme, elle y fait la connaissance des quatre filles du roi Céléos – Callidicé, Clisidicé, Démô, Callithoé. La déesse, qui se prétend originaire de Crète, se propose de devenir la nourrice d'un enfant de la ville.
Les quatre filles, touchées par sa bonté et sa noblesse manifeste, l'invitent à se reposer au palais. La reine Métanire lui confie la garde de son enfant. En témoignage de sa reconnaissance à la famille royale pour sa générosité, Déméter décide d'accorder l'immortalité au petit prince, Démophon. Le jour, elle enduit l'enfant d'ambroisie, le soir elle le purifie par le feu. Mais la reine, Métanire, intriguée, et ignorant l'identité divine de son hôte, un soir la suit. Voyant son bébé près d'être plongé dans les flammes, elle pousse un hurlement, si atroce que Déméter, surprise, lâche Démophon. Déméter se fait ensuite connaître et promet que leur deuxième enfant, Triptolème, sera, grâce à elle, doté de pouvoirs exceptionnels.
Voir aussi : Céléos, Démophon, Métanire
Cependant, privés de leur divinité, les fruits continuent de pourrir, les champs ne donnent plus aucun légume. La Terre est stérile. La famine menace. Zeus dépêche Iris auprès de la déesse, chargée de lui faire entendre raison. En vain. Tous les dieux de l'Olympe conjurent Déméter de reprendre son travail. Sans succès. Tant que Coré, la vierge du printemps, ne lui sera pas rendue, Déméter se montrera sourde aux supplications. Zeus charge donc Hermès de se rendre aux Enfers afin qu'Hadès consente à libérer Perséphone. Hadès n'y voit aucun inconvénient mais, hélas ! Perséphone a croqué sept grains de grenade : ce faisant, elle a goûté à la nourriture des morts ce qui lui interdit tout retour parmi les vivants.
Voir aussi : Ascalaphe
Il faut donc trouver un compromis. Zeus décrète que Perséphone passera les deux tiers de l'année avec sa mère, le tiers restant avec son époux ; il promet en outre à Déméter de lui accorder quelques privilèges supplémentaires.
Satisfaite, Déméter peut regagner l'Olympe, mais il lui reste encore à tenir la promesse faite aux parents de Triptolème. Elle enseigne à l'enfant tout ce qui concerne la culture de la terre – le labourage, les semailles, la récolte des céréales... Elle le charge de parcourir le monde et de mettre son savoir au service des hommes.
Et, de fait, Triptolème passe, aux yeux des Athéniens, pour l'inventeur de la charrue, de l'agriculture – celle-ci étant, en Grèce, synonyme de civilisation.
Voir aussi : Triptolème
Toujours pour récompenser ces habitants qui l'ont si bien accueillie, Déméter institue les rites secrets, les mystères d'Éleusis, qui permettent aux simples mortels initiés non seulement de côtoyer les divinités mais de faire partie de leur famille. Ces mystères dominent la vie religieuse grecque pendant plus de mille ans, et le secret de l'initiation est si bien gardé par les participants que nous n'en connaissons que très imparfaitement la teneur.
Voir aussi : Éleusis
La « légende du blé » se retrouve dans d'autres civilisations. À Babylone, par exemple, Thamuz est l'époux d'Ishtar. Quand il meurt, au printemps, il descend sous la terre. Ishtar le suit et se met en quête de l'eau de vie qui pourrait ressusciter son mari. Comme Ishtar est la déesse de la fécondité, son éloignement laisse la terre stérile, qui ne donne plus de récoltes. Les dieux se réunissent, car il faut prendre une décision. Malgré l'opposition de la déesse de la mort, ils décident de venir en aide à Ishtar. Un messager est donc dépêché auprès d'Ishtar, qui lui montre le chemin de l'eau de vie. Thamuz ressuscite, et revient sur la terre avec son épouse. L'explication première qu'on en donne est la suivante : la végétation de Babylone souffre déjà au printemps de la puissance du soleil ; elle ne revient vivace qu'en automne, au moment des pluies. En Phénicie, puis en Grèce et à Rome, on pleure la mort de Thamuz, sous les noms d'Adon puis d'Adonis, l'amant d'Astarté-Aphrodite-Vénus.
Cultes et attributs
Le mythe de Déméter et Perséphone est mis en relation avec le cycle des saisons, l'éternel recommencement du printemps, le grain qui meurt pour renaître, la résurrection de la nature après sa mort transitoire. Lorsque Perséphone rejoint sa mère, la vie reprend son cours, avec les moissons qui reviennent ; lorsque Perséphone retourne auprès d'Hadès, c'est l'hiver, avec sa grisaille, et la vie qui s'éteint.
Principalement à Athènes, mais dans de nombreuses régions de la Grèce, on célèbre, à l'époque des moissons, les Thesmophories, auxquelles seules les femmes mariées participent. L'agriculture étant à la base de la civilisation, cette fête des semailles, sous le patronage de Déméter, commémore également l'introduction des lois régissant la communauté. Les femmes (les épouses légitimes) accomplissent des rites de fécondité par le sacrifice de truies et de vaches pleines. Lorsque le culte se répand en Italie, Déméter prend le nom de Cérès que les Romains honorent comme leur divinité Tellus à laquelle ils l'associent ; mais le culte a déjà perdu en chemin un peu de son mystère. Sous la République, ces cérémonies débordent leur cadre proprement religieux puisque, à ceux qui sont convaincus de tromperie, on confisque les biens au bénéfice du sanctuaire de la déesse.
Voir aussi : Thesmophories
Déméter est représentée tenant des épis de blé à la main et des fleurs de pavot – qui lui ont procuré l'oubli de ses chagrins –, parfois avec des serpents enroulés autour de ses poignets.
Autres légendes
Déméter aime Iasion auquel elle se donne, en Crète, dans un champ trois fois labouré. Ploutos (« Richesse », « Abondance ») est leur enfant.
Voir aussi : Iasion
Elle châtie Érysichthon qui a osé s'attaquer, la hache à la main, à un bois qui lui est consacré.
Voir aussi : Érysichthon
Variante
Lorsque Déméter erre à la recherche de sa fille, elle est suivie par Poséidon qui n'a alors qu'un désir : lui faire l'amour. La déesse se métamorphose en jument et se mêle aux cavales d'Onkos, un des fils d'Apollon. Mais Poséidon n'est pas dupe : changé en étalon, il parvient à ses fins, laissant une Déméter furieuse d'avoir été possédée. Elle va se laver dans le fleuve Ladon. Déméter met au monde le cheval Arion (Aréion) – qui deviendra la monture du roi d'Argos, Adraste –, et une fille (Despoina) dont seuls les initiés peuvent connaître le nom véritable. Après le viol, la déesse se vêt de noir et se retire longtemps dans une caverne de l'Élaion (au sud-ouest de Phigalie, en Arcadie), ce qui lui vaut l'épiclèse de Mélaina, « Noire ». Nul ne sait où elle se trouve, et il est urgent de la retrouver, car la Terre devient stérile. Pan, toutefois, qui parcourt l'Arcadie de long en large, aperçoit la déesse ; il en instruit Zeus qui ordonne aux Moires de convaincre Déméter de reprendre ses activités. Elle finit par accepter. La grotte où elle s'est réfugiée est alors considérée comme sacrée.
Sans doute faut-il voir, dans l'union de Poséidon et de Déméter, un autre symbole de la fertilité : l'eau, élément essentiel à la terre cultivée.
Voir aussi : Cérès

