Éleusis

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Ville d'Attique (aujourd'hui Levsina).

Éleusis est située à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest d'Athènes, dans une plaine fertile, sur la route qui mène à Thèbes. Des auteurs anciens rapportent que la ville tire son nom d'un certain Éleusis, fils d'Hermès et de Daira, fille d'Océan, pour certains ; d'autres lui donnent un certain Ogygos pour père ; d'autres encore lui attribuent pour parents Océan et Gaia, et Triptolème pour fils. Dans l'Antiquité, Éleusis est un centre religieux très important, célèbre pour ses mystères consacrés à Déméter ; peut-être les mystères sont-ils, à l'origine, une fête célébrée en automne, consacrée aux labours et aux semailles. Selon la tradition, c'est à Éleusis que Déméter, partie à la recherche de sa fille Coré (Perséphone jeune), est accueillie généreusement par le roi Céléos ; la déesse lui prouve sa reconnaissance en révélant les mystères à l'Attique. Le sanctuaire, qui subit des transformations au cours des décennies, peut contenir quelque trois mille personnes. Il comporte une salle des initiations, due à Solon (télestèrion), qui est aussi le temple de Déméter, et, au centre, une chapelle (anaktoron).

Quiconque, semble-t-il, peut participer à la célébration, à condition de n'avoir commis aucun crime. Elle se déroule en plusieurs étapes.

Petits et Grands Mystères

En février-mars (Anthestérion) de chaque année, ont lieu à Agrai, faubourg d'Athènes, les Petits Mystères, dans un sanctuaire consacré à Déméter et à Coré ; ils commémorent le retour de Perséphone, et coïncident avec la venue du printemps. Ils ne sont pas secrets. Les participants se baignent dans l'Ilissos afin de se purifier une première fois.

En septembre-octobre (Boédromion), sont célébrés les « grands mystères ». Secrets pour partie, ils durent huit jours et sont réservés à ceux qui ont participé aux « petits mystères », qui ont les « mains propres » et qui parlent grec. On transporte des objets sacrés (hiera) à l'Éleusinion d'Athènes ; les participants se purifient par immersion dans l'eau de mer. Puis on retourne à Éleusis avec les objets sacrés et, à la lueur des flambeaux, on pénètre dans le télestèrion. Après de longues danses et de longs chants en l'honneur des deux déesses, les seuls initiés assistent probablement à une reconstitution de l'enlèvement de Coré par Hadès ; ils se voient remettre des épis de blés, symbole de la nature renouvelée ; l'hiérophante, prêtre eumolpide (Eumolpos passe pour avoir introduit les mystères dans la cité) prononce un discours sacré. Les mystes traversent une série de galeries souterraines figurant l'Hadès, puis remontent vers la lumière. Retour à Athènes ensuite.

Ainsi que le rappelle l'hymne homérique à Déméter, les mystes ne devaient absolument pas révéler ce qu'ils avaient vu ou entendu, ce qui explique la faible connaissance que nous avons des rites qui se déroulaient dans le télestèrion, ainsi que de la nature des objets sacrés. Cette interdiction n'avait rien de formel puisqu'on sait que certains furent condamnés, et sévèrement, pour avoir enfreint la règle. Eschyle lui-même, pour avoir rédigé quelques lignes jugées compromettantes dans son Orestie, manque d'y laisser la vie. Son frère Aminias fléchit les juges en faisant valoir combien il s'est défendu à Salamine. On trouve la même prudence chez Pausanias.

« Heureux parmi les hommes celui qui a assisté à ces rites ! Car celui qui n'est pas initié aux mystères, l'exclu, n'aura pas un destin semblable, pas même mort, sous la terre humide. » L'initié peut donc prétendre à une vie meilleure, non seulement sur la terre mais dans l'au-delà. De nombreux auteurs ont loué les mystères, source inégalable de bienfaits : Sophocle, Pindare, Aristophane. En 364 apr. J.-C., l'empereur Valentinien interdit les fêtes religieuses nocturnes, les mystères exceptés. Pourtant des voix critiques ne manquent pas de s'élever : Diogène s'interroge : comment le brigand Patecius peut-il avoir, après la mort, un destin meilleur qu'Épaminondas, par le seul fait qu'il a été initié aux mystères ?

À la fin du ve siècle, un cimetière chrétien est construit à la place du sanctuaire détruit par les Goths d'Alaric en 394 apr. J.-C. Les mystères d'Éleusis sont célébrés pour la dernière fois en 396 apr. J.-C.

Voir aussi : mystères, orphisme