Théâtre : une saison d'acteursQuand les metteurs en scène, qui tendent à occuper l'avant-scène depuis une trentaine d'années, montrent des signes de faiblesse, l'acteur reprend naturellement sa place première. C'est l'une des évolutions de l'année théâtrale, où l'on a vu successivement Peter Brook moins incisif dans ses deux dernières mises en scène (Oh les beaux jours, de Beckett, et Qui est là ?, travail sur le thème du spectre chez Shakespeare), Georges Lavaudant pris au piège d'un Roi Lear trop parodique, Alain Françon mal accueilli en Avignon pour une mise en scène glaciale d'Édouard II, de Marlowe, qui inaugurait le festival, Jorge Lavelli brillant, mais confronté à des œuvres moins fortes qu'auparavant (Arloc, de Serge Kribus), Jean-Pierre Vincent trop respectueux des défauts mélodramatiques d'un Nerval oublié, Léo Burckart... On ne saurait cependant généraliser et passer sous silence l'émergence de nouvelles personnalités (Patrick Beaunesne et Claire Lannes, respectivement remarqués pour leur mise en scène d'Un mois à la campagne, de Tourgueniev, et de Platonov, de Tchekhov), le remarquable retour de Jacques Lassalle, qui, cueilli à froid par une critique négative lors de ses derniers spectacles, avait annoncé sa volonté de renoncer au théâtre. Il n'en fit rien, et sa mise en scène d'Un homme difficile, de Hofmannsthal, a constitué l'un des plus beaux spectacles de la fin de saison : de la comédie d'un homme rentré de guerre et courtisé par plusieurs femmes, il fit une grande fresque douloureuse sur la solitude et l'indécision.