Nikolaïs s'est installé à Angers, où il anime le seul centre chorégraphique du genre, financé à la fois par la municipalité et par le ministère de la Culture.

Sa mission est double : former chaque année une douzaine de stagiaires, les initier aux techniques d'improvisation qui sont le fondement de sa méthode et entraîner une troupe à vocation locale et nationale. D'autres stages, plus ponctuels, sont également très courus, comme, par exemple, celui que Twyla Tharp a donné à la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon au cours des mois de l'été 1978.

Pourtant, cette année, le traditionnel concours de Bagnolet, Le ballet pour demain, a mis en évidence le manque de formation technique de nombreux candidats ; pour la plupart, ils ne possédaient pas un langage gestuel à la hauteur de leurs ambitions chorégraphiques. La difficulté de subsister y est pour quelque chose. Tout un no man's land existe autour des troupes professionnelles subventionnées, d'où émergent difficilement quelques personnalités, Laura Green ou Christine Gérard, et quelques groupes comme Ma, Watercress, La main. Quelques-uns parviennent à s'ancrer en banlieue ou en province (Moebius à Chalon-sur-Saône, Suzan Buirge à Sartrouville, Catherine Atlani à Quevilly), mais c'est encore bien peu, et l'on voit des troupes comme celles de Dominique Bagouet, Le four solaire, Maguy Marin ou Nourkil essayer désespérément de se placer en orbite.

Deux réussites témoignent cependant du bien-fondé d'une politique de décentralisation : l'excellent travail du Théâtre du Silence auprès de la population rochelaise et l'installation à Rennes de Gheorge Caciuleanu qui continue une action en profondeur commencée à Nancy. Nancy où s'est installé Jean-Albert Cartier avec son ancien BTC (Ballet-Théâtre contemporain d'Angers) qui a désormais une vocation lorraine.

Morosité

À Lyon, où la créativité de l'Opéra en matière de ballet a régressé avec le départ de Vittorio Biagi, la ville par contre a pris en considération l'existence de jeunes troupes de danse locales regroupées en association (l'ADRA).

Le développement de la danse en France se heurte à une infrastructure et à une organisation (théâtres municipaux et nationaux, enseignement des conservatoires) inadaptées aux besoins actuels.

Le premier Festival national de danse du Val-de-Marne, organisé en mars 1979 par la ville de Vitry avec l'appui du conseil général, a mis en lumière toutes ces carences : l'inexistence du budget imparti par l'État à la danse (0,35 % du budget culturel, qui lui-même représente 0,57 % du budget de l'État) ; 7 900 000 F de subventions pour 23 compagnies, dont 6 à elles seules s'en partagent 75 %, tandis que le Ballet de l'Opéra reçoit à lui seul 23 700 000 F. Bref, une profession dans la misère avec un des plus hauts taux de chômage, une régression des professionnels (2 000 en France), alors qu'environ 2 500 000 personnes recensées pratiquent la danse et que le public fréquentant les spectacles chorégraphiques est estimé à huit millions de personnes.

Tout cela peut expliquer une certaine morosité chez les danseurs, leur révolte contre de mauvaises conditions de travail, l'inorganisation du circuit création-diffusion et l'indifférence des pouvoirs publics, contestation entachée d'un certain chauvinisme. Dansons français, c'est le slogan qui commence à se répandre. Il serait regrettable qu'il prenne corps, car la danse n'a rien à gagner à un tel repliement.

Théâtre

L'imagination retrouve sa place dans une saison riche en réussites

Pour une fois, en dépit des crises, des élections, du chômage et de la toujours trottante inflation, on peut dire que ce fut une saison faste. Plusieurs pièces ont tenu l'année entière, plusieurs créations prestigieuses nous ont étonnés ou éblouis, et la qualité n'a pas manqué, du grand spectacle à l'humble pochade dans la plus modeste des salles, comme si les périodes un peu difficiles favorisaient l'imagination des artistes et le goût du public à fuir au théâtre ses soucis, à moins qu'il n'y détourne ses illusions déçues.

Aimable divertissement

Dans ce cas, la démarche la moins audacieuse consiste à se fier aux œuvres ayant déjà fourni leurs preuves, comme l'aimable divertissement un peu misogyne de Mon père avait raison, qui trouvait en Paul Meurisse l'idéal interprète des paradoxes de Guitry. Élégance, indolence, insolence, il possédait tous les atouts nécessaires pour jouer ce jeu désinvolte. Une désinvolture qui cachait cependant de l'héroïsme, puisque le comédien, qui se savait perdu, est mort un soir, au sortir de la scène, sans avoir dit à quiconque ses souffrances ni ses angoisses. Il n'est pas le seul, du reste, qui nous ait quittés cette année, avec le courage de répondre présent jusqu'au dernier appel. Claude Dauphin, lui aussi, dont la maladie, plus l'âge, avait fait un vieillard avant l'heure, spectre fragile et charmant, s'est éclipsé sur la pointe des pieds. Tout de suite après avoir servi sans faillir une petite pièce de Reine Bartève, Le pavillon Balthazar, que son sourire illuminait. Quant à Michel de Ré, le créateur de Victor et de La tour Eiffel qui tue, à l'heureux temps de la Rose rouge ou des Noctambules, nous l'aurons salué encore une fois dans La ville de Claudel, ambitieuse mais pitoyable aventure d'Anne Delbée, ombre de lui-même qui serrait le cœur...