Wagner est présent avec une belle version du Vaisseau fantôme du Philharmonia de Londres, direction Otto Klemperer, et le somptueux Festival Wagner du New Philharmonia dirigé par Païta.

D'année en année, Gustav Mahler est mieux connu, plus aimé. La Prisonnière de Clouzot aidant, on a acheté davantage sa IVe Symphonie dans diverses versions : G. Szell, G. Solti, D. Oïstrakh ; il faut noter le bel enregistrement par Solti (London Symphonia) de la IIIe Symphonie, de la Ire Symphonie, la Titan, dirigée par sir Adrian, la VIe, dirigée par sir John Barbirolli, et l'intégrale des neuf symphonies, avec les Kindertotenlieder sous la direction de Léonard Bernstein (15 disques réunis en 3 coffrets).

Prospective

Le disque a permis de redécouvrir un méconnu, l'Américain Charles Ives (1874-1954), qui abandonna la composition dès 1919, mais en qui on voit aujourd'hui un précurseur des tendances modernes. Entre autres enregistrements récents : Holiday's Symphony (L. Bernstein) et Trois Paysages de la Nouvelle-Angleterre (Howard Hanson).

Les firmes discographiques poursuivent courageusement l'exploration des domaines les plus avancés de la musique contemporaine. Une anthologie de six microsillons réunit des œuvres de Lutoslawski, Mayuzumi, Berio, Stockhausen et Ligeti, dont Kubrick a utilisé de très belles pages dans son film l'Odyssée de l'espace. La collection Prospective du XXVe siècle s'enrichit d'œuvres nouvelles de Pierre Henry (la Noire à 60) et d'Ivo Melec (Sigma, la Cantate pour elle). Une collection moins onéreuse édite ou réédite Penderecki, Baird, Jacques Charpentier.

Musique du Sacre

Révélation d'un organiste de grand talent, Jean Guillou, dont on peut apprécier les interprétations des concertos, peu connus, de l'Anglais Thomas Arne et les Visions cosmiques, improvisations enregistrées à Saint-Eustache et dédiées à l'équipage d'Apollo 8.

Le cent cinquantenaire de Napoléon, enfin, offre le premier enregistrement mondial de la musique du Sacre de l'empereur à Notre-Dame, dont les partitions dormaient aux Tuileries depuis 1804 et qui sont dues à G. Paisiello et à J. F. Le Sueur.

La réforme du Conservatoire national supérieur de musique, mise en œuvre par son directeur R. Gallois-Montbrun (Journal de l'année 1967-68), a donné des résultats, notamment dans le cycle de perfectionnement. Il n'a pas été possible d'en faire état l'année précédente, faute de place.

Théâtre

Rome n'est plus dans Rome

Tout bilan du théâtre, depuis quelques années, commence par la hargne et la grogne. Il n'est question que de crise d'auteurs, crise d'idées, crise de public et crise de crédits. Puis, fermant les yeux, celui qui a vu à peu près tous les spectacles principaux s'aperçoit que la saison écoulée n'est pas si maigre et que, par comparaison avec la vie du théâtre dans les autres pays d'Europe, le théâtre en France produit encore de quoi contenter les mémoires les plus exigeantes.

Tout au plus peut-on noter que le déplacement des centres d'intérêt s'accentue. Rome n'est plus dans Rome. Le théâtre n'est plus là où nous allions le chercher. Il faut peu à peu s'habituer à le découvrir en des lieux extra-muros. Il faut aussi se résigner à ne plus le voir dans les plus célèbres hauts lieux de l'avant-guerre.

Le Boulevard

Et d'abord, ce qu'on a coutume d'appeler « le Boulevard » s'est exténué à faire rire un public avide de facilités, mais qui commence à entrevoir la mauvaise qualité des divertissements proposés. Le Gugusse de Marcel Achard ou le Vison voyageur adapté de l'anglais par J.-L. Dabadie, malgré les talents des acteurs, n'ont pas convaincu. On est allé voir Jacqueline Maillan dans la Facture, de Françoise Dorin, car il n'y avait qu'elle sur la scène du Palais-Royal.

Sophie Desmarets et Jean Richard ont, dans Quatre Pièces sur jardin, de Barillet et Grédy, parlé d'argent à un public qui adore l'argent, le soir, vers 21 heures, en feignant de s'en moquer. On s'est enfin délivré de la grande peur de mai 68, en raillant la politique et la jeunesse, dans Tchao, de Marc-Gilbert Sauvajon. Il faut bien, après les tragédies, que les comédies viennent rassurer, sans endormir tout à fait.