Crise des nationalités enfin. Ouverte en décembre 1986 au Kazakhstan par les émeutes d'Alma-Ata provoquées par la nomination d'un Russe à la tête du PC local, elle rebondit depuis février 1988 au Caucase. Ici, c'est une crise intercommunautaire qui oppose Arméniens et Azerbaïdjanais autour du statut du Haut-Karabakh enclavé en Azerbaïdjan et peuplé d'Arméniens. Après les massacres d'Arméniens, les deux Républiques ont exigé l'arbitrage de Moscou. Mais on ne peut toucher aux frontières internes de l'URSS sans provoquer d'innombrables sursauts. En Arménie et en Azerbaïdjan, manifestations et grèves n'ont pratiquement pas cessé, et le tremblement de terre de décembre en Arménie a approfondi la crise. Plus grave est la situation dans les États baltes et en Géorgie, où les amendements constitutionnels renforçant la centralisation ont provoqué la crise. Ils ont été refusés par la Géorgie, l'Estonie et la Lettonie, qui demandent une souveraineté réelle : la primauté des lois des Républiques sur celles de l'Union et une ouverture indépendante sur le monde extérieur.

La contestation nationale a mis la perestroïka en péril. Faut-il alors orienter l'URSS vers plus de perestroïka, en réduisant la glasnost ? Le pouvoir immense de Gorbatchev le peut-il ?

Hélène Carrère d'Encausse

Maghreb
Machreq

En 1988 se sont achevés deux interminables conflits, celui qui depuis huit ans opposait l'Iran à l'Iraq et celui du Sahara occidental. En acceptant, le 18 juillet, le cessez-le-feu exigé par l'ONU, l'Iran a mis fin à la guerre la plus longue et la plus meurtrière depuis 1945.

Le 30 août, à Genève, après treize années de combats, le Maroc et le Front Polisario ont accepté le plan de paix prévoyant l'organisation d'un référendum sur l'autodétermination de l'ancienne colonie espagnole. Ce règlement s'inscrit dans le cadre des efforts entrepris par les États du Maghreb pour faire taire leurs dissensions et ramener la paix dans la région.

Ce sont d'abord la Tunisie et la Libye qui, après avoir renoué leurs relations diplomatiques en décembre 1987, ont scellé leur réconciliation par la visite à Tunis du colonel Kadhafi (4 février), la réouverture de leurs frontières (4 avril) et la relance de la coopération économique. Après douze années de brouille, le Maroc et l'Algérie ont rétabli leurs relations diplomatiques (16 mai) et le roi Hassan II a été reçu à Alger (7 juin), où il a assisté au sommet extraordinaire de la Ligue arabe. À cette occasion, les chefs d'État de l'Algérie, de la Libye, du Maroc, de la Mauritanie et de la Tunisie ont jeté les bases de l'édification du Grand Maghreb. Sur le plan intérieur, l'Afrique du Nord s'est engagée dans la voie de la démocratisation et de la libéralisation : le président tunisien, le général Ben Ali, a instauré le multipartisme (28 avril), aboli la présidence à vie (25 juillet) et ouvert le dialogue avec les opposants intégristes. Le régime libyen, menacé d'asphyxie, a été forcé de sortir de son isolement : réouverture des frontières, réformes économiques, libération des prisonniers politiques et surtout acceptation d'un règlement pacifique au Tchad (25 mai) et reprise des relations diplomatiques avec le régime d'Hissène Habré (3 octobre). En Algérie, après les sanglantes émeutes violemment réprimées (5-10 octobre), le président Chadli Bendjedid a annoncé des réformes constitutionnelles.

Au Proche-Orient, les tensions sont restées vives. Le conflit israélo-arabe n'a pas été réglé malgré les quatre tentatives successives du secrétaire d'État américain George Shultz pour promouvoir la paix. Principal objet du désaccord, la question de l'autonomie des territoires occupés s'est trouvé placée au centre de la campagne électorale en Israël, qui a fêté le quarantième anniversaire de sa création. Depuis le 9 décembre 1987, l'État hébreu a dû faire face à la « révolte des pierres », un soulèvement général des Palestiniens de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem. Malgré la répression et la mort de plus de 250 Palestiniens, grèves, manifestations et actes de désobéissance civile se sont multipliés, notamment après l'assassinat près de Tunis du responsable de la branche militaire du Fath, Abou Djihad (16 avril). En rompant les liens légaux et administratifs de son pays avec la Cisjordanie (31 juillet), le roi Hussein de Jordanie a laissé à l'OLP la charge de négocier l'avenir du territoire. C'est ce qui a été fait à Alger le 15 novembre : ce jour-là, le Conseil national de l'OLP a proclamé la création d'un État palestinien indépendant ; en même temps, il approuvait la résolution 242 des Nations unies et reconnaissait ainsi implicitement l'existence d'Israël. Confirmée à Genève le 14 décembre par Y. Arafat, cette acceptation était alors immédiatement suivie d'une déclaration de G. Shultz selon laquelle les États-Unis seraient prêts à entamer un « dialogue substantiel » direct avec l'OLP.