Fait nouveau, les revendications salariales reparaissent au premier plan devant les problèmes d'emploi. En témoigne la nette remontée des conflits localisés au détriment des conflits généralisés. De même, la « combativité » se réveille dans la mesure où les conflits sont de plus en plus longs et de plus en plus durs (mines de Gardanne), sans même parler des grèves à répétition déclenchées par les navigants d'Air Inter tout au long de l'année.

Les syndicats cherchent à canaliser ce mécontentement des salariés, mais sont parfois débordés par les coordinations issues de la base. À leurs divisions s'ajoutent cette année des problèmes internes de succession : après la CFDT, où Jean Kaspar remplace Edmond Maire en novembre, la CGT et FO vont devoir bientôt choisir à leur tour un nouveau secrétaire général (1989). Toutefois, si chaque syndicat insiste plus ou moins sur un thème (l'amnistie, l'Europe sociale, la formation, la protection sociale ou l'emploi), il est certain qu'un consensus se dégage sur le problème des salaires.

La détermination des syndicats et des salariés traduit le malaise des employés qui ont le sentiment d'être les seuls à faire les frais de la rigueur imposée depuis six ans, alors que celle-ci assure aux entreprises une excellente santé financière, mais ne permet toujours pas de résorber le chômage. Les mouvements sociaux expriment également le besoin de reconnaissance de certaines catégories et un sentiment d'injustice face aux inégalités des revenus.

Le patronat, satisfait pour sa part des bons résultats des entreprises, continue à estimer nécessaire la poursuite de l'effort de redressement en vue du marché unique de 1993, qui reste la priorité des priorités. Face aux salariés, la technique patronale est le donnant-donnant. Après l'échec de la tentative d'annualisation du SMIC en mars, les entreprises privées ont « acheté la paix sociale » en lâchant un peu de lest en matière de salaires. La décentralisation du dialogue social se confirme, les accords d'entreprises ou de branches se multipliant au détriment des négociations au niveau interprofessionnel (par exemple, le projet d'accord d'orientation sur les mutations technologiques). Enfin, les entreprises – particulièrement les grandes – accordent de plus en plus d'importance à la gestion des ressources humaines.

À la différence de ce qui s'était produit en 1981, le retour de la gauche au pouvoir n'a pas été ressenti comme une réelle possibilité de changement des orientations économiques et sociales. De fait, la priorité du gouvernement de Michel Rocard reste le respect des grands équilibres et passe donc par l'amélioration de la situation des entreprises d'un côté et par la rigueur salariale de l'autre. Parallèlement, un effort de solidarité est engagé ; en plus de la loi d'amnistie et du relèvement symbolique du SMIC, le revenu minimum d'insertion (RMI) est créé en juillet ; il doit être financé en partie par le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ; en outre, un plan emploi, qui combine à la fois traitement social et traitement économique du chômage, est mis en place. Mais la gauche, à « contre-emploi », n'a pas bénéficié de la traditionnelle trêve sociale ; au contraire, elle s'est trouvée confrontée à un troisième tour social. Ferme dans ses choix, le gouvernement a préféré un traitement cas par cas à la négociation globale.

Dominique Colson

Politique économique

La nouvelle majorité n'a pas profondément modifié la politique économique du précédent gouvernement, si ce n'est par l'arrêt des privatisations d'un côté et par une meilleure prise en compte de la solidarité de l'autre. La rigueur, l'efficacité économique et les vertus du marché comme de la concurrence ont toujours été à l'ordre du jour. Les objectifs sont restés la compétitivité des entreprises, seule capable d'améliorer l'emploi, et la désinflation.

– La poursuite du rétablissement des grands équilibres. Au niveau budgétaire, le gouvernement de Michel Rocard a privilégié la réduction du déficit de l'Etat tout en réhabilitant la dépense publique. Au niveau monétaire, la défense du franc est restée la principale préoccupation de M. Bérégovoy, même si elle s'est faite aux dépens de la baisse si recherchée, elle aussi, des taux d'intérêt.