C'est la situation socio-économique, catastrophique, qui est à l'origine de la chute de W. Martens. Le déficit budgétaire atteint, au cours du premier semestre 1981, près de 150 milliards de FB. Les chômeurs indemnisés sont, fin avril 1981, au nombre de 376 885, soit 9,1 % de la population active : 25,6 % de plus en un an ! Les faillites se succèdent à un rythme accéléré.

Autonomie

La dette extérieure est telle que chaque enfant belge naît avec une dette de plus de 66 000 FB. Pour couronner le tout, les rumeurs de dévaluation du FB avaient entraîné un regain fiévreux de spéculation. En deux jours, la défense du franc coûtait à la Banque nationale 22 milliards. Les études les plus optimistes prévoient une croissance à peu près égale à zéro pour l'année 1981.

Pourtant, quelques mois plus tôt, le troisième gouvernement sexpartite de W Martens, constitué de chrétiens, socialistes et libéraux des deux communautés flamande et francophone (Journal de l'année 1979-80), nage encore en pleine euphorie. Il remporte, le 4 août 1980, une grande victoire parlementaire : le vote à la Chambre du projet accordant à la Flandre et à la Wallonie leur autonomie dans de nombreux domaines politiques et instituant un exécutif régional, responsable devant une assemblée régionale.

Cette mini-régionalisation ne fait cependant pas l'affaire des fédéralistes qui souhaitent une plus grande autonomie des régions par rapport au pouvoir central. Par ailleurs, le gouvernement s'est bien gardé de toucher au détonateur de Bruxelles, la capitale où se rencontrent les deux communautés, dans une proportion de 80 % des francophones pour 20 % des néerlandophones.

Tenter de déterminer le futur statut de Bruxelles — troisième région à part entière, semi-région à statut particulier, capitale considérée comme ville libre ? — c'était, à coup sûr, faire éclater la coalition. Et, pourtant, il y a une échéance à respecter pour régler le cas de Bruxelles : les élections communales qui auront lieu en octobre 1982. Mais il y a, au sein de la majorité, d'autres motifs de dissension que Bruxelles-capitale.

Démission

Quand la discussion s'engage, dès le mois d'octobre 1980, sur la politique d'économies et de recherche de ressources nouvelles pour équilibrer le budget, les divergences s'accentuent entre libéraux et socialistes, soutenus par les sociaux-chrétiens. Les libéraux se sont engagés vis-à-vis de leurs électeurs à ne pas recourir à des impôts supplémentaires, mais à réaliser un assainissement financier, par des mesures d'économies dans le secteur public.

Coincé entre les libéraux, d'une part, et les socialistes, qui ne veulent pas entendre parler de mesures touchant aux acquis sociaux, d autre part, W. Martens propose 15 milliards d'économies — somme que les libéraux jugent insuffisante — et 13,5 milliards de recettes nouvelles, par le truchement de cotisations complémentaires — ce que les libéraux trouvent excessif. W. Martens se voit donc contraint de présenter au roi la démission de son gouvernement.

Le 4e gouvernement Martens naît près de deux semaines plus tard, sous le signe de la quadripartite (sociaux-chrétiens et socialistes des deux communautés).

L'acte de naissance de ce gouvernement est un document de quelques dizaines de pages esquissant un plan de redressement économique et social.

Immédiatement les Belges, par le biais des diverses organisations représentatives, se posent la question de savoir qui va faire les frais de l'opération de redressement. Patrons et syndicats n'étant pas parvenus à conclure pour la fin de 1980 un accord interprofessionnel sur la modération salariale, comme l'espérait le gouvernement, ce dernier bloque les salaires et les revenus le 1er janvier 1981.

Austérité

Cette mini-loi transitoire de blocage est prolongée, début février, par le vote de la loi de modération des revenus. Tous les salaires supérieurs à 35 000 FB par mois sont bloques. Ils pourront seulement être indexés. Il en est de même pour les honoraires et tarifs des professions libérales.