Désormais tributaire de l'aide des États pétroliers du Golfe, qui lui ont accordé en avril 1981 un prêt de 14 milliards de dollars pour financer sa guerre contre l'Iran, Bagdad limite singulièrement ses ambitions régionales et internationales.

Autre résultat de la guerre du Golfe : les divergences avec Moscou — qui a suspendu ses livraisons d'armes — s'aggravent, tandis que s'accentue l'ouverture vers l'Occident et en particulier vers la France, qui prend la relève de l'URSS comme principal fournisseur d'armes.

Paris, qui a délibérément choisi de jouer la carte iraqienne, décide fin janvier 1981 de commencer à exécuter son contrat de fourniture d'avions Mirage F-1 à l'Iraq, tout en suspendant la livraison des patrouilleurs lance-missiles commandés et payés par Téhéran. Paris n'entend cependant pas demeurer l'unique allié occidental de Bagdad et s'efforce de convaincre la nouvelle administration Reagan de normaliser ses relations avec le régime iraqien.

L'éventualité d'une réconciliation formelle entre Washington et Bagdad, annoncée en mai 1981 comme imminente, se heurte cependant à l'obstacle israélien, les États-Unis n'étant nullement disposés à mettre fin à leurs relations privilégiées avec Tel-Aviv.

Le raid de Tamuz

Il est probable que l'un des objectifs du raid de l'aviation israélienne, qui a détruit le 7 juin 1981 le réacteur nucléaire iraqien Osirak de Tamuz, près de Bagdad, a été de contrer, voire de stopper, le processus de rapprochement entre Bagdad et l'Occident. L'opération israélienne, qui a provoqué la mort d'un technicien français, ne peut en effet que gêner le président Mitterrand, qui avait, pendant la campagne électorale, envisagé de revoir la coopération nucléaire avec l'Iraq. Certes, la France et les États-Unis condamnent une initiative guerrière qui constitue une violation caractérisée du droit international. Mais cette condamnation, formellement renouvelée lors du vote du Conseil de sécurité dénonçant « vigoureusement », le 19 juin, le raid israélien sur Tamuz, n'arrive pas à dissiper le malaise qui s'est installé dans les relations entre Bagdad, d'une part, Paris et Washington, de l'autre, à la suite de l'ambiguïté de certaines déclarations des dirigeants français et américains, qui ont laissé entendre qu'ils comprenaient en partie les « inquiétudes » israéliennes. De toute manière, dans la pratique, l'opération israélienne a pleinement réalisé son objectif, puisque, ainsi que le reconnaît lui-même le nouveau chef de la diplomatie française, « la coopération nucléaire avec l'Iraq a pris fin avec un bang » et qu'« il est difficile de dire pour le moment si cette coopération sera reconduite ou non ». Le raid israélien contre Tamuz pourrait cependant, à terme, produire l'effet contraire à celui escompté par M. Begin, en hâtant la naissance d'une bombe atomique arabe, que le président Saddam Hussein préconise désormais publiquement le 23 juin 1981, pour « faire face à celle qu'Israël possède déjà ».

Le film de la guerre du Golfe

1980

20 juillet : Le président Saddam Hussein affirme ouvertement qu'il ne découragera aucune action entreprise par les opposants iraniens en vue de renverser le régime de Téhéran.

1er septembre : Les incidents à la frontière irano-iraqienne, qui se multiplient à partir de janvier 1980, deviennent presque quotidiens. On parle à Téhéran d'une « invasion imminente de l'Iran » fomentée par les « contre-révolutionnaires et les États-Unis » dans le but de « détruire la révolution islamique ». L'Iraq n'est pas nommément cité, malgré l'ampleur des concentrations de troupes iraqiennes, et on évoque plutôt le rôle que joueraient, dans les projets d'invasion, les émigrés iraniens réfugiés en Iraq.

17 septembre : Après deux semaines de combats continus à la frontière, le président Saddam Hussein lance un véritable défi aux dirigeants de Téhéran, en annonçant unilatéralement l'abrogation de l'accord qu'il a lui-même conclu le 6 mars 1975 à Alger avec le chah d'Iran. Aux termes de cet accord, le Chatt el-Arab, voie d'eau formée par la réunion du Tigre et de l'Euphrate sur le Golfe, a été divisé, selon une ligne médiane, en deux parties égales attribuées à chacun des deux pays riverains. Téhéran s'était en outre engagé à mettre fin à son appui aux Kurdes iraqiens, portant ainsi un coup fatal à la rébellion barzaniste en Iraq. Bagdad avait également renoncé à réclamer l'évacuation par les Iraniens des trois îlots (Petite et Grande Tumb et Abou Moussa) du détroit d'Ormuz, occupés par la marine du chah.