Une personnalité qui fait vite oublier la démission fin juin 1978 de Giovanni Leone, accusé de corruption et de fraude fiscale. L'élection de Sandro Pertini est laborieuse. Elle nécessite 16 tours de scrutin. Mais le triomphe final efface cette lenteur : 832 suffrages de députés et sénateurs sur 995 se rassemblent sur son nom. En Italie, le président de la République n'a jamais été aussi confortablement élu.

Si le ciel redevient bleu au-dessus du Quirinal, les nuages s'amoncellent au-dessus du Parlement. Il faut souligner que, depuis le 16 mars 1978, depuis l'entrée pour la première fois du parti communiste dans la majorité, les difficultés s'accumulent. L'enlèvement, le même jour, d'Aldo Moro, le président de la démocratie chrétienne, et les 55 jours de sa séquestration (Journal de l'année 1977-78) ont vu certes cette majorité inédite plutôt bien résister à l'épreuve, en prenant parti notamment pour la fermeté.

Malgré tout, avec Aldo Moro, c'est l'interlocuteur privilégié des communistes qui disparaît. Son art du compromis manquera sans doute beaucoup. Première alerte : fin octobre. Lors du débat parlementaire sur le secteur public. Depuis 3 semaines, une grève paralyse les hôpitaux : les familles des malades doivent elles-mêmes changer les draps et l'armée prépare les repas. Une polémique s'engage à propos des revendications des fonctionnaires. Le gouvernement ne veut pas céder. Les communistes se trouvent en mauvaise posture. Malgré tout, ils décident d'appuyer le gouvernement, et, finalement, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, la crise est évitée. Le président du Conseil s'engage à proposer dans les deux mois un certain nombre de mesures.

Un socialiste au Quirinal

Un réel succès : le 7e président de la République italienne a été élu à la quasi-totalité des députés et des sénateurs. Sandro Pertini a fait ainsi l'unanimité parce qu'il est avant tout le symbole, en Italie, de la lutte contre le fascisme. Dès 1918, au retour de la guerre, ce docteur en droit adhère au parti socialiste, qu'il ne quittera plus jamais. En 1925, il connaît une première fois la prison. Ensuite, il se réfugie en France sous le pseudonyme de Jean Gauvin. Il fait un peu tous les métiers. Ainsi, trouve-t-il l'occasion de repeindre plusieurs gares de la Côte d'Azur. En 1927, il rentre en Italie, où il passera au total quinze ans derrière des barreaux, refusant de s'associer à la demande de grâce que sa mère a adressée au président du tribunal. Libéré en août 1943, il réorganise le parti socialiste et anime la résistance à Rome. En octobre 1943, les nazis l'arrêtent ; il s'évade au bout de quelques jours, part pour Florence puis Milan où il prépare la libération du nord de l'Italie. La guerre terminée, Sandro Pertini dirige Avanti, le journal du parti socialiste. En 1953, il est élu député à Gênes ; dix ans plus tard, il devient vice-président de la Chambre, puis président en 1968, avant de délaisser son fauteuil en 1976 à Pietro Ingrao, du parti communiste. À 82 ans, son image de grand-père tranquille, la pipe à la bouche, cache une intégrité et un courage qui lui ont permis en quelques mois de redonner du poids et du prestige à la fonction présidentielle, ternie par trop de scandales.

Naissance du SME

Nouvelle épreuve début décembre. À l'occasion de la naissance à Bruxelles du SME le président du Conseil, Giulio Andreotti, en contrepartie de l'adhésion de l'Italie, souhaite une aide jugée exorbitante par ses partenaires au sein du Marché commun. Une démarche essentiellement guidée par le souci de ne pas voir voler en éclats la majorité de mars 1978, puisque les communistes sont hostiles au SME. Ceux-ci accueillent donc avec beaucoup de satisfaction l'attitude d'Andreotti.

Mais, sept jours plus tard, le 12 décembre, l'Italie dit finalement oui à l'Écu. C'est un échec supplémentaire pour le PCI et, dès lors, les événements se précipitent.

Le 18 janvier 1979, les communistes accusent la démocratie chrétienne de violer l'accord du 16 mars 1978. Ils menacent de ne plus soutenir le gouvernement si le programme d'action reste inappliqué. L'ultimatum est accueilli avec beaucoup de sérénité à la DC, qui se déclare prête à de nouvelles discussions, tout en laissant clairement entendre que la nomination de ministres communistes n'est pas à l'ordre du jour. Déception au PCI, qui regrette cette réponse négative. La crise est inévitable. Le 31 janvier, Giulio Andreotti se rend au Quirinal pour présenter la démission de son gouvernement.

Vague de terrorisme

Au même moment, l'État doit faire face à une nouvelle vague de terrorisme. À Milan d'abord, où un juge de 30 ans, Emilio Alessandrini, est assassiné par l'extrême gauche. Le groupuscule explique qu'il a choisi ce magistrat parce qu'il était efficace. À Catanzaro, à l'autre bout du pays, se termine le procès consacré, depuis vingt-cinq mois, à l'attentat d'extrême droite qui a fait 16 morts à Milan, en décembre 1969. Or, quelques jours avant la sentence, Giovanni Ventura, l'un des principaux accusés, prend la fuite. Il se trouvait pourtant en résidence surveillée. Ventura imite ainsi Franco Freda qui a, lui aussi, disparu dans les mêmes conditions, quatre mois plus tôt. Le banc des accusés est donc vide, à la mi-février, lorsque le ministère public, après 80 heures de délibérations, prononce contre Ventura et Freda la peine de prison à vie. Seul présent, le général Maleti, ancien directeur des services secrets, est condamné à 4 ans de prison.