Avec l'évasion spectaculaire du criminel de guerre Herbert Kappler d'un hôpital romain le 15 août 1977, le dénouement tragique de l'enlèvement de Hanns Martin Schleyer, président du patronat, et l'extradition de Klaus Croissant, avocat du groupe Baader-Meinhof, la RFA n'a cessé de faire les gros titres de la presse internationale des semaines durant. L'affaire Kappler a posé une nouvelle fois le problème du passé nazi dans la vie publique et dans les rapports de la RFA avec les pays étrangers. L'enlèvement et l'assassinat de Hanns Martin Schleyer ont confronté brutalement l'Allemagne au problème encore mal appréhendé du terrorisme politique. L'affaire Croissant a provoqué des interrogations sur l'indépendance de la justice française par rapport à l'Allemagne et elle a encouragé les critiques de ceux qui craignaient que le durcissement de la législation antiterroriste limite, finalement, les libertés publiques.

Évasion

Herbert Kappler, chef de la police allemande à Rome pendant la Seconde Guerre mondiale, avait ordonné le massacre de plus de 300 Italiens, dans les grottes Ardéatines, en représailles d'un attentat de la résistance italienne qui avait coûté la vie à une trentaine de soldats allemands ; il est condamné à la détention à perpétuité. Il entre dans un hôpital romain pour se soigner des suites d'un cancer, et sa femme organise son évasion, le 15 août 1977. Les négligences et les complicités italiennes, le refus des autorités allemandes d'engager la procédure d'extradition (constitutionnellement impossible) et la satisfaction trop bruyante d'une certaine presse allemande provoquent une violente campagne de presse contre la RFA.

On lui reproche de se montrer trop indulgente pour le passé hitlérien et on ne manque pas d'opposer la fermeté de la lutte antiterroriste à l'impunité (voire à la respectabilité) dont jouissent certains criminels nazis. Les réunions d'anciens nazis, les interminables procès contre les anciens criminels, la parution à grand renfort de publicité de livres, de films et de disques consacrés aux dignitaires du IIIe Reich accentuent une irritation latente.

Herbert Kappler meurt dans l'indifférence quelques mois plus tard. Mais, avec les polémiques provoquées au printemps 1978 au sujet des activités pendant la guerre de l'ancien juge militaire Hans Filbinger, chef du gouvernement CDU du Land de Bade-Wurtemberg, l'Allemagne découvre une fois de plus que le passé s'évertue à la rattraper et à jeter des ombres sur la santé de sa démocratie.

Terrorisme

Déjà choquée par l'assassinat à Karlsruhe du procureur général Siegfried Buback (Journal de l'année 1976-77), et à Francfort, le 30 juillet 1977, du président de la Dresdner Bank, Jürgen Ponto, l'opinion publique allemande apprend avec horreur, le 5 septembre, l'enlèvement, à Cologne, de Hanns Martin Schleyer, président du patronat. Son chauffeur et ses trois gardes du corps sont abattus par les terroristes ; ceux-ci exigent l'échange de leurs camarades emprisonnés contre leur otage.

Devant le refus du gouvernement Schmidt, soutenu par l'opposition, de céder au chantage, les terroristes détournent vers le Proche-Orient, le 13 octobre, un Boeing 737 de la Lufthansa (qui effectuait le vol Palma de Majorque-Francfort). Le 17, le capitaine du Landshut est abattu à Mogadiscio par les terroristes pour avoir donné à leur insu des informations à la tour de contrôle d'Aden. Le 18, opération éclair sur l'aérodrome de Mogadiscio, un groupe de la police allemande délivre les otages ; trois des quatre pirates sont abattus.

Le jour même, quelques heures plus tard, trois des détenus de la prison de Stuttgart-Stammheim (Andreas Baader, Gudrun Ensslin et Jan Karl Raspe) sont découverts morts dans leurs cellules ; une quatrième terroriste, Irmgard Möller, survivra à ses blessures. Suicides ou expédition de justice sommaire ? L'enquête officielle se prononce pour la première hypothèse. Et le lendemain, le 19 octobre, le cadavre de Hanns Martin Schleyer est découvert dans une voiture allemande stationnée dans une rue de Mulhouse.

Exil

Le débat sur le terrorisme connaît presque aussitôt un nouveau rebondissement avec l'affaire Croissant. Avocat du groupe Baader-Meinhof, fortement soupçonné de soutenir une association qualifiée de criminelle, Me Klaus Croissant, craignant une nouvelle arrestation et une interdiction professionnelle, s'était clandestinement réfugié en France, le 10 juillet 1977, malgré l'interdiction de quitter le territoire de la RFA. De son exil parisien, il donne deux conférences de presse et une interview à la télévision française. Après l'enlèvement de Hanns Martin Schleyer, les recherches de la police se font plus sérieuses. Klaus Croissant est finalement arrêté et incarcéré à Paris le 30 septembre. L'examen de la procédure d'extradition relance les polémiques à propos de l'Allemagne, car elle touche, en France, à la tradition de l'asile politique, et elle jette aussi des doutes quant aux pressions allemandes sur Paris. Klaus Croissant est extradé vers la RFA le 16 novembre.