L'ambiguïté est d'autant plus grande que le Premier ministre Lévesque assure ses nombreux auditoires anglo-canadiens et américains que son gouvernement ne veut nullement détruire le Canada.

Le 14 septembre, à Clagary, en Alberta, René Lévesque déclare, devant 110 éditorialistes de la presse américaine et canadienne, que son parti « ne veut rien détruire, rien séparer, mais créer de nouveaux liens ». Claude Morin, ministre des Affaires intergouvernementales, promet, le 8 mars, devant les membres de l'Institut canadien des affaires internationales, que le Québec souverain, de concert avec le Canada, sera membre de l'OTAN et de NORAD, élément clef de l'association entre les États ; et le Premier ministre Lévesque lance, le 8 avril, un appel au Canada anglais pour qu'un nouveau pacte permette une coexistence renouvelée entre les deux nations.

Enfin, le 19 avril, à Boston, René Lévesque rassure les Américains au cours de son deuxième voyage officiel aux États-Unis, en affirmant, faisant allusion aux propos de P. E. Trudeau, que « contrairement à ce que d'autres maintiennent, le nouvel arrangement constitutionnel projeté par le PQ ne met nullement en danger la survie du Canada. Nous tenons au Canada, non pas nécessairement dans ses structures politiques actuelles, mais au peuple qui habite ce pays. Ainsi, il n'est nullement question de le détruire ou de le transformer en Pakistan ».

Si les explications du Premier ministre québécois sur la souveraineté sont satisfaisantes (un nouveau pays ayant sa propre constitution, émettant des passeports, levant des impôts et se dotant d'un système de défense), celles portant sur l'association du Québec avec le Canada demeurent peu convaincantes et ne font mention jusqu'ici que d'une union douanière.

Leadership

Le 16 avril, l'élection à la direction du Parti libéral du Québec (PLQ) du directeur du journal le Devoir, Claude Ryan, place le Parti québécois dans une situation difficile. Avec un mandat fédéraliste clair, le PLQ et son nouveau chef s'engagent irrémédiablement dans la troisième voie : celle d'un fédéralisme renouvelé, qui aura comme conséquence principale de briser la polarisation du débat entre P. E. Trudeau et René Lévesque.

Claude Ryan, qui succède à Robert Bourassa battu aux élections du 15 novembre 1976, possède tous les atouts pour mobiliser derrière lui les opposants à l'option du Parti québécois. Il pourrait constituer un interlocuteur québécois valable pour le Canada anglais, remplaçant ainsi Pierre Elliott Trudeau.

Dans sa recherche d'une tribune internationale pour exposer les progrès du Québec vers l'autodétermination, René Lévesque profite d'un séjour en France, du 2 au 6 novembre 1977, pour rejoindre la majorité des pays européens et même africains et pour consolider ses liens avec Paris.

Un mois et demi après la visite au Québec du garde des Sceaux, Alain Peyrefitte, qui resserre l'axe Paris-Québec, le président Giscard d'Estaing rappelle que la France n'est pas indifférente au Québec, mais qu'elle se tiendra à l'écart du débat politique sur l'indépendance de la province canadienne.

Recevant René Lévesque à l'Élysée, où il lui décerne la plaque de grand officier de la Légion d'honneur, le président français déclare : « Vous déterminerez vous-mêmes, sans ingérence, les chemins de votre avenir : vous en avez le droit et vous en avez la capacité. Ce que vous attendez de la France, je le sais pour avoir vécu parmi vous, c'est sa compréhension, sa confiance et son appui. »

Au cours du voyage de René Lévesque à Paris, le Québec et la France décident d'institutionnaliser leurs relations par la tenue d'un sommet annuel entre les Premiers ministres québécois et français. Cette politique franco-québécoise contrarie Ottawa au plus haut point. Le 5 novembre, l'ambassadeur du Canada à Paris, Gérard Pelletier, avoue que cette décision des deux gouvernements déséquilibre les relations franco-canadiennes.

GRC

Mais Ottawa n'est guère en mesure, en novembre, de contrecarrer les relations privilégiées du Québec et de la France. En effet, entre le 28 octobre et le 10 novembre, éclate l'une des plus fortes crises parlementaires des dernières années, due à la découverte des activités illégales de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).