La stratégie fédérale tourne court à la mi-décembre, lorsque le Premier ministre Trudeau, au terme d'une tournée des capitales provinciales, comprend que ses homologues des provinces sont beaucoup plus inquiets de la situation économique que des problèmes d'union.

Référendums

Aucun règlement constitutionnel ne se fait jour au cours de l'année. L'attitude du gouvernement libéral d'Ottawa et certains événements sont accueillis à Québec comme une confirmation de la thèse de la souveraineté-association. Les autres provinces restent songeuses quant à la nature du fédéralisme qui est défendu par l'administration Trudeau :

– Le 19 octobre 1977, trois mois après l'établissement par le Québec des règles de son référendum, le Premier ministre Trudeau annonce au Parlement que son gouvernement se dotera également d'une loi sur l'organisation du référendum, afin de ne pas être démuni face au Parti québécois.

Cette loi pourrait servir d'instrument de consultation tant au Canada dans son ensemble qu'au Québec et aurait seulement pour fin de maintenir cette dernière province dans la Confédération. Cependant, ce projet est qualifié d'irresponsable par l'opposition à Ottawa et par certains gouvernements provinciaux. Ceux-ci jugent qu'il risque de jeter de l'huile sur le feu et de déclencher des conflits sociaux. Le 3 avril 1978, le gouvernement Trudeau passe outre aux critiques et dépose son projet de loi présenté comme une leçon de démocratie faite au Québec.

– Le 30 novembre 1977, la Cour suprême du Canada confirme la juridiction exclusive du gouvernement fédéral dans le domaine des télécommunications. Les prétentions du Québec en cette matière sont anéanties, tandis que les velléités d'autres provinces sont annihilées.

– Le 15 février 1978, le Premier ministre du Québec, René Lévesque, quitte en claquant la porte une conférence fédérale-provinciale de trois jours sur l'économie, après avoir refusé de s'associer au communiqué final de ses homologues provinciaux. La rencontre aura été un échec principalement, affirme-t-il, parce que le gouvernement Trudeau n'y a vu qu'une manœuvre pré-électorale.

Dans l'atmosphère de la guerre Ottawa-Québec, la conférence se solde par l'esquisse d'un projet de concertation au niveau économique, mais n'offre rien de concret qui satisfasse l'ensemble des provinces. Le Premier ministre Trudeau ne réussit pas à faire accepter son projet de création d'une agence de surveillance des prix et des salaires.

– Le 10 avril, le ministre des Finances canadien, Jean Chrétien, s'ingère dans un domaine de juridiction provinciale en réduisant de 3 % la taxe de vente sur tous les biens de consommation. Dans un premier temps, toutes les provinces acceptent, sauf le Québec qui fait cavalier seul. En refusant la politique d'Ottawa, le Premier ministre Lévesque dénonce ce qu'il appelle « un viol d'un secteur stratégique de la fiscalité québécoise ».

Dans son budget du 18 avril, le ministre des Finances du Québec, Jacques Parizeau, réplique au gouvernement fédéral en abolissant en totalité la taxe de vente dans cinq secteurs de consommation dits mous, le textile, le vêtement, la chaussure, les meubles et l'hôtellerie, mais il réclame le transfert fiscal promis de 226 millions de dollars.

Embarrassé à la veille des élections générales, Ottawa fait des contre-propositions au Québec, qui les refuse, appuyé cette fois par l'Assemblée nationale et par d'autres provinces qui considèrent tout à coup l'attitude du gouvernement fédéral comme antifédéraliste.

Devant l'imminence d'une crise constitutionnelle, Pierre Elliott Trudeau oublie ses propositions d'octobre de révision de l'Acte d'Amérique du Nord britannique. Son parti se trouve en effet, selon les sondages du 5 mai, à égalité avec le parti conservateur de Joe Clark.

Ambiguïté

Le parti québécois (PQ) de René Lévesque n'a pas réussi à définir le contenu de son projet et de souveraineté-association. Cette faiblesse est masquée par les multiples erreurs du gouvernement fédéral que le PQ exploite à son avantage. Le nouveau gouvernement québécois cherche sa voie constitutionnelle. Après avoir parlé d'un Marché commun canadien, les dirigeants québécois affirment maintenant qu'il s'agit de « construire une véritable confédération ». Certains se demandent, y compris parmi les militants du PQ, si Québec ne cherche pas à brader son indépendance politique contre un lien économique avec le Canada.